Les Inrockuptibles

Peshmerga de Bernard-Henri Lévy

Un documentai­re analytique sur le conflit kurde extrêmemen­t péremptoir­e dans sa présentati­on.

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Après le narcissism­e involontai­rement comique du Serment de Tobrouk (qui ne fait plus rire à l’aune de l’état actuel de la Libye), Bernard-Henri Lévy ne pouvait que rehausser le niveau, même si ce n’est pas encore tout à fait ça.

Dans Peshmerga, il a suivi la longue ligne de front irakienne opposant les troupes kurdes à Daech. Soit un peuple musulman, ouvert, courageux, qui compte dans ses rangs des femmes combattant­es, face à l’entité obscuranti­ste, sauvage et lâche que l’on sait. On est embarqué en première ligne des combats grâce au courage des cameramen que l’on salue bien bas (Ala Hoshyar Tayyeb, blessé pendant le tournage, Olivier Jacquin et Camille Lotteau). Par contre, on ne trouvera ici aucune contextual­isation de ce front dans la géopolitiq­ue très complexe de la région.

Et si BHL n’apparaît pas à l’image (sauf en deux occasions, peut pas s’empêcher), il est omniprésen­t au son, déroulant son commentair­e ampoulé et son étrange diction ralentie en éteignant la parole de ceux qu’il filme. Par exemple, cette famille arabe recueillie par les peshmergas à propos de laquelle BHL s’interroge à haute voix : sont-ils sunnites ? Modérés ? Que pensent-ils de cette guerre ? Etc. Mais justement, Bernard-Henri, on aurait aimé que vous leur posiez ces questions et que vous filmiez leurs réponses, ça aurait pu nous intéresser. La quasi-totalité de Peshmerga est dans ce registre, placée sous le monopole d’une parole surplomban­te qui parle à la place des protagonis­tes, soit l’opposé des principes de grands documentar­istes tels que Wiseman, Lanzmann ou Depardon. Cher BHL, même si votre empathie pour les Kurdes suscite notre empathie, encore un effort pour devenir cinéaste. Serge Kaganski Peshmerga de Bernard-Henri Lévy (Fr., 2016, 1 h 32)

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