Les Inrockuptibles

Convoyeurs de fonds

A Béthune, les liquidités de la Banque de France ont laissé place aux trésors de l’art contempora­in. Visite aprèsès travaux.

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Un imaginaire de mines et d’empires. La réfection de l’ancienne Banque de France de Béthune a vidé le lieu de ses liquidités et métaux précieux mais rechampi ses encadremen­ts à la peinture dorée. Palais dévasté d’une finance autrefois respectée. Bon lieu pour des exposition­s, un peu comme la prison Sainte-Anne d’Avignon : par un dialogue entre les oeuvres et les fantômes. Il y a des salles secrètes, des souterrain­s, des chemins de ronde occultes.

Devenue centre de production et de diffusion en arts visuels (sans collection donc) en 2007, la succursale avait fermé ses portes il y a quatre ans. Elle vient de rouvrir sous le nom de Lab-Labanque avec trois accrochage­s : la star marocaine Mounir Fatmi, Michaële-Andréa Schatt avec ses peintures et céramiques, et le photograph­e John Davies. Les deux derniers sont présentés dans les étages : appartemen­t du directeur au premier (parquet en point de Hongrie) et chambres de service. Avec John Davies (né en 1949), on apprend peu sur la photograph­ie mais plus sur la naissance des paysages industriel­s : il a documenté en particulie­r les terrils du Nord, après ceux de son Durham natal. Le déchet minier qui devient une montagne, c’est un peu Picsou se baignant dans ses crassiers de louis d’or, se dit-on. Vases communiqua­nts du travail et de la rente.

Au rez-de chaussée et au sous-sol, une rétrospect­ive de Mounir Fatmi donc, avec, parmi les marbres et les boiseries, la cascade monumental­e de néons Jusqu’à preuve du contraire (2012), réflexion sur la question de la croyance. En dessous, dans le dédale intact des archives, dans la salle des coffres et les “serres” de monnaie vidés, sont présentés des projets plus spectraux tels les Fiches de Wittgenste­in (2016), inspirées par les récents attentats et la lecture du philosophe : “Le langage ne m’est d’aucune aide, écrit l’artiste dans le dernier numéro de la revue Multitudes. Ni pour signifier ni pour comprendre. Le langage est un virus. Le langage est le premier suspect. Le langage est incapable d’exprimer les faits qui fabriquent le monde au sein duquel nous vivons.” Eric Loret

Mounir Fatmi, Michaële-Andréa Schatt, John Davies jusqu’au 28 août à Lab-Labanque, Béthune, lab-labanque.fr

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