Coluche, le bouffon devenu roi

France 3 rend un bel hommage à Coluche et ses multiples vies, évitant l’écueil de la nostalgie autant que celui de l’hagiographie. Le 19 juin 1986, Coluche, roulant à moto sans casque, meurt renversé par un “putain de camion” sur une petite route de l’arrière-pays cannois. Absurde et brutale comme la chute d’une blague qui tue, cette fin tragique – dont les obsédés du complot se sont repus – drape le comique d’un voile de légende. Trente ans après sa mort, France 3 lui rend un bel hommage en diffusant Coluche, le bouffon devenu roi, excellent documentaire coréalisé par Didier Varrod et Nicolas Maupied. D’une élégance supérieure à la moyenne télévisuelle, le film est agrémenté de jolies trouvailles, à l’instar de ce volume de la collection de la Poilade (parodiant la Pléiade) qui rassemble les oeuvres complètes de Michel Colucci – le vrai nom de ce fils d’immigré italien – et fait apparaître à l’écran de savoureux aphorismes, distillés à intervalles réguliers. Soucieux d’éviter l’écueil de la nostalgie autant que celui de l’hagiographie, les deux auteurs ont pris le parti original de n’interviewer que des humoristes (de Patrick Sébastien à Jamel Debbouze en passant par Anne Roumanoff et Virginie Lemoine), dont les propos, globalement favorables à Coluche mais parfois critiques, alternent avec des images d’archives (extraits de films, de spectacles ou d’émissions télévisées). Plutôt que d’épouser une construction chronologique, le documentaire se divise en quatre grandes parties thématiques : Coluche, roi de la scène ; Coluche, roi du cinéma ; Coluche, roi de la provoc et Coluche, roi des marginaux. Apparaît d’abord l’amuseur public no 1 à la gouaille imbattable, amoureux des feux de la rampe, dont la décapante (et dérangeante…) presquecandidature à l’élection présidentielle de 1981 reste sans doute le coup de génie. Se révèlent aussi l’homme blessé en proie à la dépression au début des années 80 (période Tchao pantin) et l’humoristehumaniste lancé peu avant sa mort dans la croisade des Restos du coeur, toujours en cours… Jérôme Provençal