Les Inrockuptibles

Roca Balboa & Anna Wanda Gogusey

ou comment créer sa propre perfection interview croisée FIGHT PERFECTION **

- photo Pierre Le Bruchec Rendez-vous sur lesinrocks.com/inrockstv pour découvrir l’expérience

Roca Balboa et Anna Wanda Gogusey, deux illustratr­ices et tatoueuses de 26 ans, ont leur propre conception du tatouage, plus personnell­e et libre. Les deux jeunes femmes ont choisi de combattre la perfection le 16 mai : pour la première fois, sur de jeunes participan­ts aux yeux bandés, elles ont tatoué des motifs qu’ils n’avaient ni vus ni choisis. Un défi pour eux, comme pour elles : rencontre avant cette session extraordin­aire.

Quand avez-vous commencé à tatouer ? Anna – J’ai commencé en 2013-2014, alors que je résidais au Texas. Beaucoup de gens me demandaien­t à l’époque des motifs ou des dessins qu’ils allaient ensuite se faire tatouer. On m’a ensuite offert une machine : je m’y suis mise seule, et quand je suis rentrée en France, nous avons appris ensemble, avec Roca.

Roca – Je n’arrivais pas à me lancer. Cela m’a motivée quand Anna a commencé, cela a un peu précipité les choses. Vous tatouez depuis deux ans : tatouezvou­s dans des boutiques spécialisé­es, ou est-ce une habitude de tatouer chez vous ou chez des particulie­rs ? Roca – A la base, comme nous avons appris toutes seules, c’était logique de faire cela chez nous plutôt qu’en salon. Nous nous sommes profession­nalisées par la suite avec les formations nécessaire­s.

Anna – Nous faisons tellement de choses à côté que nous ne pouvons pas seulement tatouer. Néanmoins, nous cherchons actuelleme­nt un endroit pour nos deux activités, l’illustrati­on et le tatouage. Pourquoi ne tatouer qu’en noir ? Anna – Au début, c’était plus par simplicité, mais finalement je préfère la ligne claire qui s’adapte mieux à mon travail.

Roca – Mes dessins sont colorés, du coup ils deviennent très minimalist­es en noir et blanc. A terme, je réfléchis donc à me mettre à la couleur. Pourquoi à votre avis ce type de tatouage fonctionne bien ? Roca – C’est une approche moins traditionn­elle. Avant, on réfléchiss­ait beaucoup avant un tatouage. Maintenant, c’est plus immédiat, les gens se lâchent. Anna – De nombreux artistes se mettent au tatouage, il se démocratis­e de plus en plus. Les gens se sentent plus libres de se faire tatouer par des artistes dont ils aiment le style. Aujourd’hui, vous tatouez des gens qui ne verront pas les dessins avant la fin de la séance : pourquoi avoir accepté de tatouer à l’aveugle ? Roca – C’est un défi, une occasion qui ne se refuse pas. Cela permet de voir les gens qui ont confiance en ton travail. Je me mets aussi à leur place, je ne sais pas s’ils sont excités ou terrorisés. Anna – C’est très flatteur. Les gens n’ont pas vu les motifs que nous allons leur tatouer mais comme ils aiment ce que nous faisons, ils se laissent tenter. C’est quelque chose que vous auriez pu faire ? Anna – Il y a certains tatoueurs dont je suis vraiment fan et auxquels je ferais entièremen­t confiance. Roca – Cela marche bien avec des gens qui ont un univers comme nous car ils ont un style identifiab­le, cela donne plus confiance que les gens qui possèdent un catalogue très vaste et qui peuvent te faire tout et n’importe quoi. Nous, on fait tout et n’importe quoi, mais à notre sauce ! Est-ce qu’il y a des poncifs du tatouage qui vous énervent encore ? Anna – Le tatouage est un monde qui est connu pour être assez masculin. Il y a parfois des remarques misogynes du type “Ce n’est pas souvent qu’une fille tatoue”. Cela se démocratis­e néanmoins. Il y a de nombreuses femmes dans le milieu qui ne sont pas assez mises en valeur, et c’est bien dommage. Est-ce que tatouer en autodidact­e, c’est une manière de combattre une forme de perfection ? Roca – C’est déjà refuser l’institutio­n d’apprendre en salon et d’avoir une autorité : une vraie indépendan­ce. Pour nous, c’est combattre la norme : elle ne doit plus exister, chacun fait ce qui lui plaît et peut créer sa propre perfection en choisissan­t ce qu’il veut ou ce qu’il ne veut pas. Anna – C’est plus se détacher de la perfection et des traditions bien ancrées. C’est combattre la perfection dans le sens où tu ne réfléchis pas à un tatouage complexe, peaufiné pendant des heures. On se détache vraiment de cela. C’est se laisser aller à une démarche beaucoup plus spontanée, à une impulsion. Que représente le tatouage pour vous ? Anna – En tant que tatouée, je vois ça comme une collection d’oeuvres d’artistes que j’apprécie. Après, en tant que tatoueuse, c’est une extension du dessin. Roca – C’est pour moi aussi une collection, je n’ai jamais trop réfléchi avant de me faire tatouer. C’est très impulsif chez moi, c’est une capture d’écran de l’instant !

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