Robert Stone, Jonas Karlsson…
La nouvelle traduction du cultissime La Ligne de fuite, écrit en 1975 par Robert Stone, nous replonge dans la guerre du Vietnam. Un chef-d’oeuvre sous héroïne.
NNational Book Award 1975, adapté au cinéma par Karel Reisz trois ans plus tard, La Ligne de fuite est considéré comme LE grand roman de l’Amérique du Vietnam et de la contre-culture de l’époque. Sa force, son authenticité, ce qui en fait un petit joyau brut, rêche et fascinant, viennent d’abord de l’expérience vécue de l’auteur.
Robert Stone (1937-2015) a été correspondant de guerre au Vietnam. Arrivé là par désoeuvrement, presque par hasard, son personnage principal, Converse, “se trouve” en découvrant les massacres : “Il était une chose rose et tremblante sans autre carapace que soixante-dix kilos de viande rose en nage. Pour être réel, c’était réel.” Ici, comme dans les tableaux de Francis Bacon, tout homme qui souffre est de la viande. Omniprésente, la violence n’a rien de gratuit : elle est l’aboutissement d’une génération de révolutionnaires désabusés, qui se vengent de leurs illusions perdues sur tout ce qui bouge.
“Faute d’autre chose”, comme il le dit, Converse tombe ensuite dans le trafic d’héroïne. La toxicomanie, Stone s’y est aussi abîmé. Ça plane, ça délire, ça poétise un peu partout dans ce kaléidoscope où l’on retrouve aussi l’ésotérisme un peu barge de la Côte Ouest (Los Angeles, San Francisco) : zen, LSD, champignons, sectes, etc.
Les ombres tutélaires de Ken Kesey (Vol au-dessus d’un nid de coucou), que Robert Stone fréquenta dans sa jeunesse et de Neal Cassady, qu’on retrouve dans le personnage du flamboyant Hicks, planent sur cet univers noir. Il y a aussi la vitesse à tout prix, les coursespoursuites, la mort qui rôde, le nihilisme de l’époque : “On n’est pas venus ici pour juger. Les nécessités personnelles, ça existe. Peut-être même que ça dépasse les questions morales”, résume Marge, l’héroïne héroïnomane.