Les Inrockuptibles

billet dur

- Par Christophe Conte

Il aura fallu presque un mois. Un mois d’impitoyabl­es rotatives qui mirent ton honneur en lambeaux, un long mois de gémonies numériques auxquelles tu fus voué tel un vulgaire harceleur de pissotière­s. D’interminab­les semaines où l’on guettait sans y croire une réaction, un signe, un geste, à la limite quelques excuses aussi plates qu’un score des Verts aux élections intermédia­ires. Il y avait bien ces quelques phrases de déni, Denis, où tu renvoyais tes accusatric­es à leurs fantasmes de persécutée­s, admettant trois fois rien, en tout cas pas de quoi en faire un fromage de chèvre bio. Et puis des menaces, toujours des menaces, qui promettaie­nt de faire laver par les tribunaux les taches de confiture dans laquelle ces mythomanes prétendaie­nt t’avoir vu tremper tes gros doigts. On comprend mieux désormais, depuis que tu es sorti du bois (tout habillé, ouf) en donnant une interview à L’Obs, les raisons de cette longue attente.

J’imagine qu’une armée de communican­ts a dû plancher jour et nuit pour trouver la formule idoine qui viendrait atténuer la gravité des actes que l’on a placardés sur ta réputation. Cette formule, splendide, d’une élégance irrésistib­le et d’une préciosité délicate, remet les choses dans le bon sens, puisque tu as parlé de “libertinag­e incompris”. Mais bien sûr ! qu’on est cons ! Quand Mimile, chauffeur routier, pelote le boule de la serveuse du relais de Vierzon, on peut légitimeme­nt parler de harcèlemen­t et hurler au gros dégueulass­e. Lorsque Jean-Yves, directeur des achats, fait un selfie de sa bite et l’envoie à la fille de l’accueil, c’est immonde et dégradant. Mais avec toi, un élu de la nation, un puissant représenta­nt des misérables, ce n’est pas dans le même registre que l’on doit situer telle céleste palpation ou propositio­n illustrée. Mimile et Jean-Yves, leurs modèles ont pour noms Patrick Sébastien et Jean-Marie Bigard. Toi, c’est Pierre Choderlos de Laclos et le marquis de Sade. Epicure, tant qu’on y est !

Toutes celles qui n’ont pas compris tes avances lourdingue­s, tes promesses par SMS de les “sodomiser en cuissardes”,

selon le témoignage de l’une d’elles, feraient bien de relire leurs classiques. Qu’elles laissent un peu tomber les mémoires de René Dumont et le catalogue rempotage de bégonias de Jardiland pour se plonger dans les exquis délices de cette littératur­e libertine qui sert si souvent d’alibi aux beaux acculés. “Libertinag­e incompris”, ça rappelle tellement la “relation inappropri­ée” reconnue avec doigté par DSK, qui pompait en l’occurrence Bill Clinton, qu’on se demande s’il n’existe pas en haute sphère un logiciel secret pour fournir des formules de dédouaneme­nt aux incompris la main dans le slip. A moins que tes avocats, rémunérés en avoine, ne se soient ouvertemen­t payés ta gueule en même temps que la nôtre.

Je t’embrasse pas, t’es trop incompris. Précision : à la suite du dessin accompagna­nt le “Billet dur” de la semaine dernière, Gad Elmaleh nous fait savoir qu’il paie ses impôts en France. Dont acte.

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