Les Inrockuptibles

Chère Sophie Marceau

- Par Christophe Conte

C’est Michel Houellebec­q, mon rédac chef très provisoire, qui m’a demandé de t’adresser ce Billet doux, en lieu et place de l’habituel exercice de ball-trap hebdomadai­re dévolu à cette page. Je n’ai pas vu tous tes films, loin de là, mais lorsque Michel m’avoua pour sa part n’en avoir pas vu un seul, je compris vite que l’objet de cette lettre n’était pas de dresser le panégyriqu­e de ta carrière de comédienne.

Alors quoi ? Serais-je le messager involontai­rement complice de la possibilit­é d’une idylle ? Allons, allons, je doute que Michel, en l’espèce, ne sache pas faire ses commission­s lui-même, même si les sacs Monoprix ont disparu. C’est sans doute bien plus simple que cela. Comme le confirme chaque mois le baromètre du JDD, tu restes l’une des personnali­tés préférées des Français, et le plus grand narrateur des palpitatio­ns intimes de ce pays n’a pas nécessaire­ment vocation à se soustraire à l’avis du plus grand nombre.

Je peux donc m’estimer chanceux, j’ai échappé à Michel Sardou et à Jean-Pierre Pernaut. Sophie, ne m’en veux pas, je vais faire court à propos du cinéma, en m’en tenant à trois moments clés de tes apparition­s à l’écran. La Boum, pour ceux qui aiment le pop-corn et Vladimir Cosma, Police de Pialat pour ceux qui préfèrent les tartes dans la gueule et, enfin, mon favori : ce “jour d’épaule nue”, comme disait Aragon, l’un des poètes préférés de Michel, où tu laissas déborder sur le tapis rouge du Festival de Cannes le sein des seins qui affriola jusqu’à Alain Nichon. J’imagine que l’auteur de Plateforme, si spectacula­irement contredit, n’en laissa pas non plus échapper une mirette. Afin de mieux te connaître et de nourrir ce billet autrement qu’à travers des souvenirs périmés, je suis allé mater ton compte Twitter pour savoir où tu en étais, ma chère Sophie. L’un de tes derniers tweets concernait la tuerie d’Orlando, où tu remarquais fort justement ceci : “Quand on a une arme on s’en sert, quand on n’en a pas on s’en sert pas !”

J’ai trouvé assez remarquabl­e, pour l’occasion, ta fidélité aux idéaux lycéens d’Alexandre Jardin, mon humoriste humaniste préféré. Par ailleurs, tu nous présentais “Lee-tchi, petite chienne adoptée de la @ spa_officiel !! Un ange tombé du ciel”, ce qui me sembla légèrement mensonger, puisqu’il s’agissait bien d’un clebs, et qu’il tombait seulement de la SPA. Tu aimes les animaux, moi aussi. Je les aime à point, éventuelle­ment rosé pour l’agneau, mais si j’en crois les dernières unes de Voici et Paris Match, tu as meilleur conseiller que moi pour les cuissons. Tu milites également pour la protection de l’environnem­ent, contre les crottes de chiens dans les parcs parisiens (faudrait savoir !), tu aimes les Fréro Delavega et, au moment des Panama Papers, tu applaudiss­ais à tout rompre le journal Le Monde, avec ce commentair­e : “Voilà à quoi doit servir la presse, l’informatio­n utile !” Au rayon livres, on voyait une photo de ta main tenant Une petite robe de fête de Christian Bobin. Je n’ai rien dit à Michel, ça lui aurait brisé le coeur.

Je t’embrasse toutefois de sa part, et je lui envoie ta parodie de la pub Dior où tu finis en soutif.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France