Les Inrockuptibles

“je crois que je suis un acteur limité”

Michel Houellebec­q

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la convention d’un certain cinéma pour donner de la profondeur. Je l’ai déjà fait, d’ailleurs. C’est le fameux syndrome Coluche dans Tchao Pantin. Tu demandes à un comique de ne plus rien faire et tout à coup le silence du mec bruyant avant devient sublime. Je trouve ça facile. Benoît Jacquot pour 3 coeurs me demandait un peu ça. Je me promène dans la rue, les mains dans les poches, je regarde au loin l’air pensif... Bon, un acteur comme Magimel, encore, il rend ça un peu intense. Ou alors Alain Delon. Quand il faisait dans l’introspect­ion, le silence, il était sublime. Et puis quand il a ouvert sa gueule, il nous a tous emmerdés. (rires)

Michel Houellebec­q – Bien... On progresse peu à peu...

Benoît Poelvoorde – Allez ! Pose-moi des questions, merde ! J’ai pas fait tout ce chemin pour rien ! Michel Houellebec­q – T’habites où ? Benoît Poelvoorde – A Lustin. C’est à deux heures de route de Bruxelles. Faut traverser des bois…

Michel Houellebec­q – Et tu roules en Porsche alors ? Benoît Poelvoorde – Oui, j’en ai deux. Michel Houellebec­q – Pourquoi ? Benoît Poelvoorde – Si je pouvais en avoir trois, j’en aurais trois. Et dix, j’en aurais dix ! Jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’argent, plus rien. J’adore les voitures. T’as pas de voiture ?

Michel Houellebec­q – Si, mais une toute petite. Sans intérêt.

Benoît Poelvoorde – Faut dire qu’à Paris, ça sert à rien, une voiture. Encore que moi, si je vivais à Paris, je serais assez con pour en avoir une.

Michel Houellebec­q – Qu’est-ce qui se passe en toi quand la caméra tourne ?

Benoît Poelvoorde – C’est le seul moment où je sais pourquoi je fais du cinéma. Où je vibre un peu. Mais c’est très court. Avant et après, on se fait chier. Mais mortelleme­nt ! La solution, pour garder cette intensité, c’est de jouer aussi dans sa vie. Du coup, je suis tout le temps un acteur. Un acteur qui donne le change pour ne pas montrer qu’au fond il s’emmerde. Il n’y a que mon fauteuil et mon chien qui savent vraiment qui je suis. Le pire, c’est quand je dois faire de la promo. J’essaie d’en faire de moins en moins, d’ailleurs. Mais je n’ai pas le choix. Etre acteur, ça veut dire être médiatique. Mais toi, en revanche, ça me trouble. Tu pourrais ne jamais aller sur un plateau télé mais tu as choisi d’être médiatique. Pourquoi ?

Michel Houellebec­q – Je n’y suis pas si souvent que ça, quand même. Si je suis allé dans l’émission de Ruquier, par exemple, c’est parce que j’aime bien Yann Moix et que ça lui faisait plaisir que je vienne, c’était sa première émission. Aller au Grand Journal m’amuse, c’est vrai. J’aime bien être invité dans un JT. Il y a une tension particuliè­re. Ça fait un peu peur. On a l’impression d’être dans un lieu sacré. Ou dans l’oeil du cyclone. On a l’impression d’un très grand calme au coeur d’une tempête.

Les Inrocks – Vous aviez vu C’est arrivé près de chez vous à sa sortie, Michel ?

Michel Houellebec­q – Oui, ça m’avait vaguement dégoûté.

Benoît Poelvoorde – Ah bon ?! Mais dis-moi pourquoi !

Michel Houellebec­q – La scène de viol m’avait vraiment dégoûté. J’aimais bien Benoît dedans, mais le film me semblait empreint d’une vraie méchanceté, un peu immoral.

Benoît Poelvoorde – Immoral ? Je peux comprendre, remarque… Moi, ce que je n’aime pas dans C’est arrivé près de chez vous, c’est que le film ne nous a pas porté chance. On peut croire l’inverse, penser qu’à 53 ans, je suis encore acteur et que rien ne serait arrivé sans ce film. Mais beaucoup de gens sont morts depuis. Rémy ( Belvaux, le coréalisat­eur – ndlr) s’est suicidé. Y a des films qui ne portent pas chance, qui fabriquent des destins funestes. A l’époque, on ne savait pas que ce qu’on faisait allait être autant vu, on s’amusait à parodier certains codes de Strip-Tease, quand les gens font semblant de ne pas savoir qu’on les filme…

Michel Houellebec­q – Strip-Tease, c’est une émission qui a été très importante en Belgique ?

Benoît Poelvoorde – Strip-Tease ? Mais c’est une religion, en Belgique. Il y a une grande école documentai­re belge. Et Strip-Tease a imposé un format de reportages fondés sur l’immersion,

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