De Ridley Scott
Blade Runner
avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young (E.-U., H.-K., G.-B., 1982, 1 h 57) es torchères en flamme, de nuit, et Vangelis. Combien de fois ai-je regardé cette séquence d’ouverture ? Trente fois ou trois cents fois ? La fascination opère implacablement, il suffit que j’entende les premières notes, que je voie les premières images. Frissons et abandon. Très grand film d’amour, Barry Lyndon, L’Etrange Histoire de Benjamin Button, B comme baiser : les plus beaux baisers sont peut-être dans les films en B. Sean Young, c’est Elizabeth McGovern, Nastassja Kinski et Elisabeth Shue réunies en une, et uniquement dans ce film. Comment est-ce
Lpossible ? Ce n’est pas possible. Pourtant ça existe, il suffit de la revoir pour croire une fois dans sa vie que L’Invention de Morel (10/18) n’est pas un livre mais un rêve de livre. Si Robbe-Grillet pille Bioy Casares, c’est pour la bonne cause, celui de l’amour total. Barry et Benjamin le savent bien.
Si la fin de l’amour est la mort physique, alors Sean Young ne mourra jamais car elle n’est pas humaine. Peu importe la nuit et la pluie. L’eau dégoulinante sur le casque blanc immaculé d’un Rutger Hauer inégalable bouddha testostéroné. La mort nous lave de nos péchés, les gouttes de Sean Young et Harrison Ford
pluie aussi, surtout lorsqu’elles frappent au ralenti l’ange sacrifié et sauveur de replicant, telles des aiguilles vaudoues.
Blade Runner est le plus grand film d’amour impossible des années 80. Un des plus grands films d’amour tout court. Avant sa réincarnation futuriste, Roy Batty avait vécu une fois dans Turkish Délices, se coinçant la bite dans la braguette de son jean. Là, il est un enfant du Dieu K. Dick, auréolé d’une batterie de colombes annonciatrices de deuil définitif. Rachel vivra deux fois, dans deux fins de film différentes. Dans les deux cas, elle me plombera le coeur à jamais. G. N.