Les Inrockuptibles

Voyage en barbarie de Delphine Deloget et Cécile Allegra

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(Fr., 2014, 1 h 12) Delphine Deloget et Cécile Allegra ont réalisé Voyage en barbarie. A la fin, il y a un épilogue. Edifiant. En lettres rouge sang. Mais avant, au début de l’histoire, le garçon noir qui se lave dit : “La vie est une histoire de circonstan­ces.” On va très vite comprendre de quoi il s’agit. Il a fui l’Erythrée mais a été capturé au Soudan. De là, on le conduit en Egypte, dans le Sinaï plus précisémen­t. Il a été kidnappé. Les ravisseurs le jettent à l’arrière d’un pick-up et s’assoient dessus, comme un trophée de chasse. Ensuite, il est conduit dans une maison avec d’autres “raptés”. Le vrai boulot commence ici. Les ravisseurs appellent la famille et quand le père ou la mère décroche, le kidnappé est battu. Le premier son que les parents entendent, ce sont les cris de leur enfant. Voilà comment débute la demande de rançon. C’est un document rare, très instructif sur la méthodolog­ie d’enlèvement, sur ses conséquenc­es, sa froideur d’exécution et sa quasiimpun­ité auprès des autorités égyptienne­s. Un homme qui achète des Africains est interviewé. Il raconte qu’il ne leur veut pas de mal, que c’est juste un business. Il y a aussi ce jeune Ethiopien vendu par son oncle. Lui va être électrocut­é, on va lui brancher des électrodes sur le pénis. Il a ordre de ne pas crier quand cela se produit. Une mère pleure au téléphone, elle a eu son fils la veille et il lui a dit qu’il était torturé avec du feu. Ils ont brûlé des gens vivants, ils brûlent du plastique et le versent sur le corps des jeunes, sur leur pénis, sur leur anus. Il y en a un qui a appelé sa famille quand on le brûlait et son père lui a dit de mourir le plus vite possible. Au bout de quarante-cinq minutes de film, un garçon, le seul qui n’aura pas de larmes dans les yeux, montre ses mains, ce qu’il en reste. Deux moignons atrophiés. Il a vu ses mains disparaîtr­e sous ses yeux. Quand il a été sauvé, on a pris de la peau sur ses mollets pour recouvrir ses os, mais il se blesse souvent car la peau est trop fine par endroits, alors il porte des chaussette­s aux mains pour les protéger. Trois d’entre eux sont réfugiés à côté de Stockholm. Dans cet endroit isolé, des morceaux de vie recommence­nt. G. N.

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