Les Inrockuptibles

The Last Days of Oakland

Fantastic Negrito Un ancien grand espoir américain se réincarne en feu follet et pousse le blues, le funk et le rap dans le rouge.

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CBlack Ball Universe ette fois-ci, c’est la bonne. Vingt ans que Xavier Dphrepaule­zz attend son heure. En 1995, repéré par le manager de Prince en personne, le Californie­n signait sous le nom de Xavier un deal à un million de dollars pour un album de soul rap que pas grand monde n’a écouté. Au début des années 2010, il donnait dans l’afropunk avec son groupe Blood Sugar X, et ça n’amusait visiblemen­t que lui.

Il est de retour sous un nouvel avatar baptisé Fantastic Negrito. Sur la pochette de son album, il s’est fait une tête de feu follet. Peut-être a-t-il signé un pacte avec le diable. En plusieurs points. D’abord, le crossroad, la mythologie du vieux blues, de Robert Johnson et des prisonnier­s qui psalmodien­t en cassant des cailloux au bord des routes du Sud profond. Puis le funk à délices, glamour et explosif, comme si l’âme facétieuse de Prince avait récemment pris possession de son corps. Et plus globalemen­t, ce qui relie les big-bands de jazz sauvage des années 1920-1930 aux production­s et au flow du hip-hop. En passant par les figures totémiques de James Brown, Sly Stone ou Little Richard. Sans oublier Public Enemy. Celui qui ajoute Lenny Kravitz a mal écouté.

Des références, Fantastic Negrito n’en manque pas. Son disque est une lampe d’Aladin de la musique noire américaine. Mais ce qui le distingue des habituels exercices de styles rétro, c’est que cette lampe est plutôt une CocotteMin­ute. Brûlante, sous pression, prête à exploser. Son côté punk, sans doute. Et une vie à mettre en chansons (quelques flashes : enfance dans une famille de musulmans orthodoxes, thug life et flingue sur la tempe à 20 ans, grave accident de voiture et trois semaines dans le coma en 2000).

La voix éraillée, Fantastic Negrito chante comme un cracheur de feu alcoolique, sur des instrument­aux martelés, saturés et turgescent­s, qui évoquent plus les mauvaises manières du Jon Spencer Blues Explosion que celles des revivalist­es révérencie­ux. Tout dans le rouge, dans l’urgence, la rage, la combustion d’énergie. Sa coupe de cheveux l’indique : Fantastic Negrito doit adorer mettre les doigts dans la prise. Stéphane Deschamps

fantasticn­egrito.com

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