Les Inrockuptibles

Time after time

La première collaborat­ion de Fred et Alexis, époque Pilote seventies : une histoire de machine à voyager dans le temps qui mêle réalisme et fantaisie, poésie et humour. Les récits débutent toujours par la vue d’un manoir effrayant au milieu d’une

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En 1968, Alexis arrive à Pilote, dirigé par René Goscinny et où Fred publie déjà Philémon. Il est vite repéré pour la virtuosité de son dessin, qui provient en ligne directe des maîtres américains Alex Raymond et Milton Caniff. Sa première collaborat­ion avec un scénariste (Fred) est Time Is Money, paru dans Pilote entre 1969 et 1973 sous le titre Timoléon et Stanislas – avant sa mort en 1977, Alexis collaborer­a aussi avec Gotlib, Lauzier ou Druillet.

Cette anthologie rassemble tous les épisodes de la série, située au XIXe siècle et dont les héros sont Stanislas, un savant fou inventeur d’une machine à remonter le temps, et son factotum Timoléon, un ancien voyageur de commerce. Les deux compères ne sont pas particuliè­rement attirés par les promesses d’aventures de l’engin, mais plutôt par ses possibilit­és lucratives. Timoléon est envoyé dans le temps pour mettre en oeuvre les idées délirantes de son comparse, comme s’approprier La Joconde avant que Léonard de Vinci ne devienne célèbre ou vendre des objets du futur dans le présent… Mais rien ne fonctionne jamais comme ils l’espèrent.

“lande inculte et désolée” qui, sous le crayon d’Alexis, laisse tout de suite penser que l’on se trouve dans un conte gothique ou un récit horrifique d’EC Comics. Mais humour et onirisme prennent vite le dessus, entraînant le lecteur dans l’univers extravagan­t de Fred.

Car cette machine à remonter le temps est évidemment un sujet en or pour cet auteur à la poésie et à la fantaisie sans limites, et au goût prononcé pour l’absurde. Fred s’amuse en multiplian­t les paradoxes temporels et les mises en abyme (le délirant épisode “Une peau de banane dans le temps”), ainsi que les clins d’oeil anachroniq­ues (le savant explique par exemple que “depuis Wells jusqu’à Valérian, bien des gens ont voyagé dans le temps”).

Le trait magnifique d’Alexis, d’une finesse inouïe, s’adapte quant à lui autant au dessin de bâtiments que de machines ou de visages. Il passe avec aisance de l’Italie de Léonard de Vinci au mésozoïque ou au LXe (soixantièm­e) siècle (avec ses décors merveilleu­sement épurés et ses robots inquiétant­s). Son style réaliste – qui emprunte au comique de Gotlib dans le premier épisode, avant de le gommer complèteme­nt –, souligne, par contraste, le souffle de folie instillé par Fred. Un album précieux pour tout fan de BD seventies. Anne-Claire Norot

Time Is Money – Ils voyagent dans le temps pour de l’argent (Dargaud), 208 pages, 29 €

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