Passion des icônes
Ida Tursic et Wilfried Mille revisitent joyeusement l’histoire de la peinture, accrochant entre autres people Iggy Pop et Michel Houellebecq à leur(s) tableau(x) de chasse fondamentalement pop.
2016
On aimait le contraste entre ces deux punks et le côté mémé du décor.” Les deux punks, ce sont Michel Houellebecq et Iggy Pop, initialement photographiés par Philippe Matsas sur le tournage de Rester vivant, le documentaire encore en postproduction d’Erik Lieshout, inspiré de l’essai éponyme que Houellebecq publia en 1991. En arrièreplan, une tapisserie à fleurs et un canapé hors d’âge. Cette photographie bariolée, issue d’un carottage dans la riche banque d’images d’Ida Tursic et Wilfried Mille, a servi de modèle à la peinture miniature aujourd’hui taggée parmi des dizaines d’autres sur leur “mur” .
Cette galerie d’illustres peints sur de petits formats en bois (on y croise beaucoup d’artistes, de Matisse à Duchamp, des poètes et des écrivains, de Balzac à Burroughs en passant par Marguerite Duras, seule ou en compagnie de Jean-Luc Godard), épinglés sans hiérarchie, fait immanquablement penser aux icônes religieuses orthodoxes. L’exposition tout entière ressemble d’ailleurs à une discussion ininterrompue avec la longue histoire de l’art. Histoire, au propre comme au figuré, d’en rajouter une couche.
Prenez par exemple ce tableau magistral qui ouvre l’exposition : un paysage, genre à part entière de la tradition picturale. Si le corps féminin dissimulé en bas à gauche rappelle aux connaisseurs l’un des nus les plus mystérieux de l’histoire du XXe siècle (ce corps béant que Marcel Duchamp offrit en pâture à ses admirateurs pour son grand-oeuvre dévoilé post-mortem, le fameux Etant donnés…), le positionnement dans les herbes folles de deux chiens voyeurs raconte une autre histoire de tableau célèbre. Dans Suzanne et les vieillards, scène biblique maintes fois reproduite par Le Tintoret, Sebastiano Ricci ou Rubens, c’est la mécanique du regard qui compte : les vieillards, ici remplacés avec un certain humour par deux chiens fous, cherchent à épier les charmes de Suzanne, mais c’est nous, spectateurs, qui sommes les seuls à toiser l’anatomie complète de la belle noiseuse.
Avec les trois portraits en pied de Bettie Page qui s’alignent sur le mur d’à côté, c’est à un autre sujet récurrent de l’histoire de la peinture que s’attaquent Ida Tursic et Wilfried Mille. La rose, le dé et la branche de myrte peinturlurés sur le devant du tableau nous indiquent que nous sommes ici face aux Trois Grâces. Mais le modèle, la célèbre