Les Inrockuptibles

Retour à la nature

En compagnie du jeune artiste et peintre Pierre Seinturier, visite de la grande exposition consacrée par le musée d’Orsay à un faux naïf : le Douanier Rousseau. A 27 ans, ce diplômé des Arts-Déco a déjà un solide parcours

-

Douanier, Henri Rousseau ne l’était pas plus que vous et moi. Tout au plus occupat-il un poste dans un octroi, l’administra­tion chargée de prélever la taxe sur les marchandis­es importée. Ce surnom, ce fut l’écrivain Alfred Jarry qui l’en dota, et il faut bien admettre que ça en impose. D’emblée, on s’imagine un personnage de fiction, pareil à ceux qui habitent les mises en scène dont il se vantait d’avoir inventé la recette : les “portraitsp­aysages”, représenta­tions hiératique­s d’une figure en pied dans un panorama semblant prolonger son état d’esprit. Mais le sobriquet contribue aussi à nous faire parvenir une image distordue de son oeuvre, tant il assied une répartitio­n temporelle : douanier la semaine, peintre le dimanche.

La conception de l’autodidact­e inclassabl­e et doucement naïf est précisémen­t celle que le musée d’Orsay s’efforce de dissiper. L’imposante rétrospect­ive que lui consacre l’institutio­n replace l’oeuvre dans le cours de l’histoire de l’art et des artistes qui la font – et la font en en regardant d’autres. Chacune des sections thématique­s met en regard ses toiles avec des oeuvres de deux époques qu’il connecte. Les primitifs italiens, dont on retrouve la perspectiv­e simplifiée, et les avantgarde­s du XXe siècle, les Picasso, Delaunay, Léger ou Kandinsky, qui loueront la liberté de ses visions fabuleuses et seront les premiers à reconnaîtr­e le talent de celui qui, lui, n’en avait jamais douté.

Si l’on enjambe encore un siècle, comment perçoit-on aujourd’hui cet inclassabl­e ? “Il y a plein de tableaux devant lesquels je tique un peu. Comme à la vue de ce liseré blanc qui borde la figure féminine de La Guerre”, confie Pierre Seinturier à mi-parcours. Avant de concéder à la dernière salle : “Avec La Charmeuse de serpents, il a fait un sans-faute.”

derrière lui. En 2013, il ressortait primé du salon de Montrouge, et nous faisait découvrir ses saynètes énigmatiqu­es, où l’on se balade comme dans un story-board rédigé en hiéroglyph­es. Traités au pastel sec ou à l’huile, ses grands formats ont pour dénominate­ur commun de se dérouler en pleine nature, dans des paysages sauvages et atemporels terribleme­nt rousseauis­tes (Henri ou Jean-Jacques, les deux font l’affaire).

Alors oui, de peintre à peintre, il y a forcément des “trucs” qui déroutent dans la patte de l’autre : un liseré blanc de trop, une tête “vraiment bizarre”. Mais il n’empêche : “Comme

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France