Les Inrockuptibles

“c’est vrai que je parle encore d’amour. Mais j’ai l’impression que la façon d’en parler s’est un peu élargie”

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un peu chelou : ça m’arrive de rêver à des choses qui se produisent ensuite dans la réalité (rires). Je ne vous dis pas que ça m’arrive tout le temps, mais c’est arrivé à des moments importants de ma vie. Et notamment, ici, adolescent, j’ai rêvé que mon père emmenait mon chien, un berger irlandais que j’adorais, se faire piquer parce qu’il était malade. Quelques semaines après, c’est exactement ce qui s’est passé. J’ai un peu accumulé des souvenirs traumatisa­nts ici. Et aussi des cours de ski pénibles avec un prof sans aucune pédagogie. Je ne voulais plus en faire, ça me terrorisai­t. J’ai fini par penser que ça n’était pas mon truc et j’ai cessé d’y venir. Alors pourquoi y es-tu revenu ? Moins par envie d’y revenir que par désir de quitter Paris. Depuis l’an dernier, vivre à Paris, c’est être plongé dans une tension permanente, une brume irrespirab­le. Tu penses aux attentats ? Avec mes gars, on s’est installés ici en novembre dernier en effet. Après les attentats, tout me paraissait impossible : faire de la musique, monter sur scène. J’étais à Paris, chez moi. On venait d’annuler avec Darko notre invitation au match du Stade de France. Après quelque chose comme ça, beaucoup de choses paraissent inutiles. Je n’avais que des bribes de mots, de vagues idées. Mais pour m’y mettre vraiment, il fallait que je quitte Paris, que je m’installe avec les gars dans un lieu isolé, comme une retraite. C’est là qu’est revenue l’image du chalet. Même si ça me faisait peur.

A part le souvenir du chien, qu’est-ce qui te faisait peur ? Les souvenirs de famille ? La relation à tes parents ?

Ce noeud-là s’est beaucoup ouvert ces derniers temps. Ce nouvel album s’en ressent d’ailleurs. La chanson Romy a été traduite en italien avec l’aide de ma grand-mère. Mon père est beaucoup passé nous voir pendant qu’on bossait ici. Que disent tes parents de ce que tu fais ? Il y a beaucoup de pudeur des deux côtés. Ils ne me disent pas grand-chose. Je crois qu’ils sont contents. Moi-même, je sens que des choses se pacifient. J’ai 34 ans et pour la première fois je pense à avoir un enfant. Puis le lendemain d’en adopter un. Puis le surlendema­in me dire à nouveau que je n’en aurai pas du tout. Mais je sens quand même que ça bouge. Que ma vie d’artiste cesse de prendre toute la place. Et je crois que d’avoir passé autant de temps dans le Sud pendant neuf mois a beaucoup joué… Comment s’est passée l’installati­on ? C’était joyeux. J’étais entouré par des garçons avec lesquels il n’est pas facile de ne pas se marrer en permanence. On se fabriquait un lieu de répèt, on faisait du feu dans la cheminée. La nuit, quand je me couchais, je me mettais à rêver. Je crois que je n’ai jamais autant rêvé de ma vie. Mon grand-père revenait, des sensations d’enfance oubliées, tout a rejailli. Mais c’était doux.

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