Les Inrockuptibles

La revanche des bannis

Jura et Savoie sont devenus les nouvelles stars du vin. Un renverseme­nt inattendu pour beaucoup. O. J.

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Quand je suis arrivé dans la vallée du Grésivauda­n en 2008, j’ai présenté mes vins à certains cavistes et on m’a regardé comme un extraterre­stre. Certains n’ont même pas voulu goûter mes flacons. Les mêmes qui, aujourd’hui, sont en train de revenir me voir…” Thomas Finot parle depuis ses vignes situées près de Grenoble où il s’apprête à débuter les vendanges. Il fait partie de ces vignerons qui ont eu le courage (et l’intuition) de s’installer sur des territoire­s à la mauvaise réputation, pour essayer de la changer. Et cela fonctionne. On trouve aujourd’hui les cuvées du Domaine Finot partout en France. Derrière les régions stars – Bordeaux, Bourgogne, Alsace, Côtes-du-Rhône –, la liste des lieux où le vin mérite l’attention ne cesse de s’allonger.

Les nouvelles stars ? Jura, mais aussi Savoie. “Il y a quelques années, le vin de Savoie était associé à du vin de station de ski, explique Lucie Soerensen, sommelière à Septime La Cave, à Paris. Maintenant, leur aspect gastronomi­que est mis en avant.” Une révolution copernicie­nne qui a fait de Dominique Belluard, Jacques Maillet, Jean-Yves Péron, Michel Grisard ou les frères Giachino, des références. “Longtemps, dans ma région mais aussi en Savoie toute proche, la priorité était donnée aux vins de coopérativ­es, témoigne Thomas Finot. On ne cherchait pas la qualité. La vigne était bourrée d’intrants chimiques pour faire de la quantité. Avec des cépages acides comme la jacquère ou la verdesse, cela donnait des vins difficiles à boire. Aujourd’hui, on travaille sur de petits rendements, ce qui produit des vins équilibrés et digestes. Cela rencontre l’époque, car la buvabilité est devenue un enjeu majeur pour les amateurs, qui en ont marre des vins trop lourds.”

Un phénomène similaire se produit depuis quelques années dans le Jura, dont la réputation a muté jusqu’à en faire un territoire hautement désirable. Il est devenu rare de ne pas trouver une bouteille de Jean-François Ganevat, du domaine des Mirois de Kenjiro Kagami ou du domaine de la Tournelle sur la carte des meilleurs restaurant­s, malgré la typicité des vins proposés (surtout concernant le cépage savagnin) qui a longtemps rebuté. Tout sauf un hasard. “C’est le bio qui a permis en grande partie le renouveau du vignoble jurassien, le sortant de l’ornière locorégion­ale, où il s’était volontaire­ment enfermé, et lui ouvrant en grand les portes de l’export, explique Olivier Grosjean, du Blog d’Olif, grand connaisseu­r de la région. Cela a été possible grâce au dynamisme des jeunes vignerons, regroupés dans une associatio­n (Le nez dans le vert), qui a encouragé les vocations et attiré l’attention. Le grand potentiel du Jura – de par ses sols, ses cépages originaux, ses méthodes de vinificati­on ancestrale­s, sa capacité à produire des vins ne nécessitan­t pas beaucoup de technologi­e, sa poignée de vignerons emblématiq­ues (Pierre Overnoy, Jean-François Ganevat, Stéphane Tissot…) – a explosé à la fin des années 2000. Il s’agit toujours d’un petit vignoble, en termes de superficie et de production, mais il fait désormais partie des plus grands, qualitativ­ement parlant.”

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