Brooklyn Village d’Ira Sachs
La violence de classe, la discrimination raciale et les antagonismes générationnels à la lumière d’un conflit immobilier. Une comédie dramatique sentimentale et tendue, impeccable dans la précision de son trait.
Tranquillement, patiemment, Ira Sachs continue de créer l’une des oeuvres les plus vitales qui soit à nos yeux. Ils sont en effet peu nombreux les films qui, à ce point, nous aident à vivre – les films “avec lesquels on apprend à faire son lit”, pour citer Jean-Pierre Léaud dans La Maman et la Putain. Brooklyn Village est de ceux-là.
C’est le sixième long métrage d’Ira Sachs, et c’est son plus simple. Simple comme Bonjour, pourrait-on dire, puisque Sachs fait ouvertement référence à ce chef-d’oeuvre d’Ozu lorsqu’il décide de faire taire les deux adolescents, ces petits hommes (Little Men) du titre original. Comme dans le film japonais de 1959, les enfants se taisent parce que c’est leur seule arme pour protester contre les décisions des adultes, qui les touchent sans qu’ils puissent y faire quoi que ce soit. Grève de la parole donc, pour Jake et Tony, qui à 13 ans sont les meilleurs amis du monde, depuis que le premier a déménagé de Manhattan à Brooklyn, à la faveur d’un héritage. Après le décès de son grand-père, ses parents viennent en effet de s’installer dans l’immeuble que celui-ci possédait, et qui héberge aussi une petite boutique de vêtements tenue par une femme d’origine latino-américaine, prénommée Leonor – la mère de Tony.
Le conflit, élémentaire sur le papier mais d’une infinie complexité émotionnelle, se nouera autour d’un problème immobilier, une affaire de loyer augmentant dans un Brooklyn en pleine gentrification. Le sujet peut paraître ingrat mais c’est justement la force d’Ira Sachs de composer avec cette réalité mate pour en faire ressortir les quarante nuances ( Forty Shades of Blue était le titre de son second long métrage). Son précédent film déjà, Love Is Strange,