Les Inrockuptibles

Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Après douze ans de séparation, un écrivain revient dans sa famille pour annoncer qu’il est atteint du sida et va mourir. Xavier Dolan réussit une adaptation poignante de Jean-Luc Lagarce.

-

ENathalie Baye n prenant pour matériau la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce, Xavier Dolan s’essaie pour la deuxième fois à l’adaptation théâtrale. La première, c’était Tom à la ferme, d’après la pièce de Michel Marc Bouchard. Les deux oeuvres comportent beaucoup d’échos : deux portraits de famille anxiogènes ; un contexte provincial, voire rural ; et l’introducti­on d’un corps inadapté, plongé dans ce bouillon toxique au risque de sa dissolutio­n. Dans l’un comme dans l’autre, c’est l’homosexual­ité qui vient frapper à la porte tel un invité dérangeant.

Certes le statut de Tom (interprété par Xavier Dolan dans Tom a la ferme) et celui de Louis diffèrent sur un point fondamenta­l : le premier était le petit ami du fils de famille mort ; le second est le fils qui a choisi de rompre les attaches, est parti à la capitale faire sa vie (en l’occurrence devenir un auteur reconnu et célèbre) sans revenir voir les siens pendant douze ans. Mais Louis est à peine moins étranger à sa famille que Tom à celle de son petit ami. Et si le fils ici n’est pas déjà mort, il est quand même là pour apporter une funeste nouvelle, celle de son sursis.

Ce sont donc des histoires de familles qui aimantent le cinéma de Xavier Dolan vers le théâtre. Mais cette aimantatio­n se double, tout particuliè­rement dans Juste la fin du monde, du désir de filmer la famille comme un petit théâtre. Voire comme du mauvais théâtre. Une scène, régie par sa somme de convention­s, où chaque acteur se doit de tenir un rôle, endosser un costume, dire un texte non dénué de fausseté.

Louis, le revenant (au sens le plus littéral du terme), fait son entrée de façon inopinée, arrive en taxi sans avoir précisé l’heure, et c’est toute la mise en scène de la mère qui s’en trouve bousculée. Le vernis à ongles n’est pas encore sec et elle rate l’entrée en scène du principal intervenan­t, crie ses premières répliques depuis les coulisses d’une autre pièce.

Le film fait alterner des espaces scéniques centraux, où tous les comédiens se rassemblen­t : le salon à l’heure de l’apéro, la table en terrasse à celle du déjeuner, la salle à manger en fin d’après-midi ; et des travées, où les personnage­s s’isolent à deux, coulisses à découvert propres aux confidence­s et à l’expression de soi (la chambre de la petite soeur, la cuisine avec la mère, la voiture avec le grand frère). Sur les scènes centrales, la comédie

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France