Les Inrockuptibles

Cézanne et moi de Danièle Thompson

Dîner de têtes en mode génies du XIXe. Canet en Zola, Gallienne en Cézanne. Le plus gros LOL de l’année.

-

Après s’être illustrée longtemps comme coscénaris­te des buddy movies à la française de son père Gérard Oury ( La Grande Vadrouille, La Folie des grandeurs, Les Aventures de Rabbi Jacob), Danièle Thompson a écrit une belle adaptation de La Reine Margot de Dumas pour Patrice Chéreau (1994). En passant à la réalisatio­n, elle s’est surtout fait remarquer par ses films choraux ( La Bûche ou Fauteuils d’orchestre).

Cézanne et moi marque donc son grand retour au buddy movie. Elle prétend y narrer la très longue amitié entre Emile Zola et Paul Cézanne… Le sujet est profond : pourquoi se sont-ils fâchés ? Tout le récit va tourner autour de ce moment où Paulo vient rendre visite à Milou pour vider son sac. Il s’est reconnu dans le roman d’Emile intitulé L’OEuvre – l’histoire d’un peintre impression­niste raté qui finit par se suicider – et il a grave les boules. De là, une série de flash-backs qui vont nous raconter toute leur vie selon Wikipédia. Zola est joué par Guillaume Canet (très minéral, c’est-à-dire à peu près aussi expressif qu’un caillou dans un torrent provençal), Cézanne par Guillaume Gallienne de la Comédie-Française, grimé en Jean-Claude Brialy dans Le Genou de Claire, mais en moins drôle.

Le problème (au-delà de la faiblesse de l’enjeu) est que l’on se croirait dans une dramatique télé des années 1960 : les personnage­s ne cessent de se dire des choses qu’ils savent parfaiteme­nt afin, en réalité, d’en informer le téléspecta­teur. Cette convention dramaturgi­que désuète est à la limite acceptable dans l’exposition d’un film, mais Cézanne et moi n’est composé que de ce genre de dialogues ineptes. Ça pédale dans le vide, surtout quand nos héros saluent leurs amis : “Bonjour Edouard (Manet), hello Camille (Pissaro), kikou Auguste (Renoir) !”

Alors, pour combler ce vide, on demande à Guillaume Gallienne (de la Comédie-Française) de nous faire un peu de lecture, comme à la radio. Mais ça ne fait pas un film. Surtout pas un film sur la puissance créatrice de deux génies de la fin du XIXe siècle. On se retrouve avec une croûte, pas même digne de figurer sur le couvercle en tôle d’une boîte de biscuits.

Pour en savoir plus sur Cézanne, on vous conseiller­a donc de voir Une visite au Louvre de Straub et Huillet, ou même de réécouter Cézanne peint de Michel Berger chanté par France Gall. Jean-Baptiste Morain

Cézanne et moi de Danièle Thompson, avec Guillaume Canet, Guillaume Gallienne, Alice Pol, Déborah François (Fr., 2 016, 1 h 56)

Newspapers in French

Newspapers from France