Les Inrockuptibles

Chère Christine Boutin

- Par Christophe Conte

Mercredi 21 septembre, 11 h 50, tes petits doigts boudinés par la compulsion des écrits saints et de Cinquante nuances de Grey s’apprêtent à appuyer sur l’arme nucléaire. Trois mots tombent bientôt sur Twitter comme la foudre : Mort de #Chirac.

Ce n’est pas la révélation du siècle, car l’ancien chef de l’Etat RPR est hospitalis­é depuis plusieurs jours pour une pneumonie et toutes les nécros sont déjà au frais. Problème, les minutes passent et rien ne vient confirmer ton scoop, qui se répand néanmoins comme le bruit des rumeurs et l’odeur des chrysanthè­mes, allant jusqu’à traverser l’Atlantique, où un site annonce sur la foi de ton tweet la disparitio­n officielle de l’exprésiden­t. David Douillet a déjà enfilé un slip propre, Giscard reprend quatre fois de la compote à la cantine du Conseil constituti­onnel et tous les candidats à la primaire de droite cogitent avec leur staff sur la manière la plus efficace de faire les poches du défunt avant les autres. Une heure plus tard, l’AFP publie un communiqué de la famille Chirac qui précise que le patriarche corrézien est toujours hospitalis­é et que, s’il ne va pas attaquer l’Everest dans la journée, il n’est pas non plus en train de refaire le match ad patres avec Mitterrand. Bref, on dément et toi, tu passes pour une démente. Ce qui, pour le coup, est loin d’être un scoop.

Mais comme l’une des qualités des illuminés nostradami­ens – Paco Rabanne, Raël – est de ne jamais se dédire, jusqu’au bout tu maintiendr­as ton info en carton, évoquant “une source sûre” qui ne peut être que celle-ci : Dieu. On s’est bien foutu de ta gueule, Cricri, on t’a traitée de charognard­e indécente, même Florian Philippot t’a fait la morale, et pourtant, qui d’autre que toi sur la place possède le 06 du Créateur ? J’imagine d’ici ton émotion lorsqu’en cette veille de l’automne s’afficha le divin numéro, faisant trembler ta coque Pie XII comme au premier jour de L’Heptaméron : “Cricounett­e ? Ouais salut, c’est le vieux. Dis-moi, ma beauté, y’a saint Pierre qui me signale l’arrivée d’un grand con avec une Corona et un T-shirt “Mangez des pommes”. Il dit s’appeler Chirac. J’ai un trou, c’est le blaireau de Camping ou le petit gitan qui fait mouiller les collégienn­es ? Naaaan, tu déconnes ? L’ancien chef de la Gaule, le maire de Lutèce ? Bon attends, je raccroche, faut que j’aille l’accueillir en personne. Je t’embrasse sur les fesses, on lâche rien, hein ? A la prochaine manif antipédés, je veux te voir en première ligne. Bisous ma caille.”

Que valait l’AFP face à la parole du Seigneur, tu t’es aussitôt dit, alors que tu balançais l’extrêmeonc­tion #plusrienàf­outre sans vérifier. Depuis que ton candidat Jean-Frédéric Poisson s’est lancé dans le grand bain, tu t’ennuies un peu, faut avouer, et les mots fléchés du Pèlerin Magazine, ça va cinq minutes. Et puis merde, Elkabbach a bien enterré vivant Pascal Sevran et Drucker a pris six mois d’avance sur la faucheuse qui emporterai­t Michel Delpech. Les vivants ne sont que des morts en sursis, pas vrai ? Tu auras en outre offert à Chirac un ultime plaisir : voir sa mort annoncée par une tête de veau.

Je t’embrasse pas, on n’est pas cousins.

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