“ce sont les mêmes tartuffes qui jouent aux Robespierre de la laïcité et veulent inscrire les racines chrétiennes dans la Constitution”
Prenez-vous en compte la critique postcoloniale de l’universalisme occidental, qui dénonce une position de surplomb, de domination ?
C’est crucial de le prendre en compte. Mais la remise en cause de l’universalisme dévoyé qui, au nom des Lumières, a colonisé l’Afrique ne doit pas nous faire renoncer à 1789 ou 1848, à cette ambition de parler à tous les hommes et à faire peuple. Une part de la gauche se résoud à une pensée catégorielle, divisant le peuple en catégories religieuses, sexuelles ou d’origines. C’est un renoncement dangereux. Dépasser les origines des uns et des autres pour nous adresser à des citoyens politiques doit rester l’horizon dans lequel nous nous inscrivons. Ou alors nous laisserons le monopole du commun à la droite la plus réactionnaire.
Suite à la nomination de Jean-Pierre Chevènement à la Fondation des oeuvres de l’islam de France, certains ont critiqué le fait que Hollande n’ait pas choisi une personne musulmane…
Je m’en fous qu’il ne soit pas musulman ! C’est sa vision qui peut être débattue et combattue. Ne remplaçons pas la représentation politique par la représentation communautaire… La France s’est fondée en tant qu’Etat politique contre les guerres de religions, contre les fanatiques catholiques ou protestants élevant les règles de leurs Eglises respectives au-dessus de la chose commune. Revenons au parti dit des Politiques au XVIe siècle, celui de Montaigne et de Michel de l’Hospital, à la source de la pensée laïque. Ce n’est pas au nom de la laïcité qu’on fait la chasse au burkini sur les plages. Ce sont les mêmes tartuffes qui jouent aux Robespierre de la laïcité et veulent inscrire les racines chrétiennes dans la Constitution. Il y a un problème de fondamentalisme musulman, un combat politique, idéologique, social et sécuritaire à mener. Mais ce n’est pas en dévoilant les femmes sur les plages du Sud ou en menant des croisades contre les repas de substitution que ce combat sera gagné.
Vous concluez votre livre par Vous êtes prêt ?
Nous n’avons pas le choix. La gauche doit sortir de son attitude de rentière culturelle et revenir dans l’arène. Le monde contemporain, notamment avec la révolution numérique, sera gramscien : l’hégémonie culturelle se traduira en hégémonie politique beaucoup plus rapidement qu’avant. Avant internet, le temps de résilience d’un système politique était plus long car des paroles instituées menaient à une forme de conservatisme de fait. Il n’y a plus de filtres aujourd’hui et tout devient possible. Y compris Le Pen ou ses idées à l’Elysée.
“la longue lutte qui s’annonce”.
Notre France – Dire et aimer ce que nous sommes (Allary éditions), 260 pages, 18,90 €