Les Inrockuptibles

“dans le match Warhol-Ali, c’est Warhol qui a gagné”

-

en photo, et en plus Andy lui avait promis un exemplaire de sa série de tableaux. Puis il s’est détendu, s’est excusé et lui a fait visiter sa maison, lui a présenté sa femme. Enfin, il nous a fait une lecture de sa poésie, mais ça sonnait tellement faux : il lisait comme les black muslims. Sa détestatio­n de Warhol venait d’eux, de leur homophobie : Warhol, pour eux, c’était le diable blanc. Andy faisait un truc super : il vous regardait droit dans les yeux et son regard vous flinguait. Ali en a été très troublé. Dans le match Warhol-Ali, c’est Warhol qui a gagné. Son analyse d’Ali, c’est qu’il ne pourrait pas s’en sortir – personne ne disait cela alors – et il avait raison. Warhol était hyperintel­ligent : il savait capter tout d’un être ou d’une situation en cinq secondes.

A un moment, Warhol vous demande même si Ali est intelligen­t, comme s’il en doutait…

Ali se battait avec une idée, qu’il ne partageait avec personne, même pas avec son manager. Mais il n’était pas superintel­ligent. Warhol l’était bien plus que lui, ne serait-ce que parce qu’il avait le contrôle total de ses finances, alors qu’Ali, non. Il finira par tout perdre. Ali était fort dans son champ, mais en dehors c’était un enfant effrayé. Dans le portrait qu’en a fait Warhol, on peut voir qu’il y a de la peur dans ses yeux. Ils en ont fait une machine à cash. Ali voulait se retirer en 1975 mais il était irresponsa­ble avec l’argent, alors il a continué à se battre et a été vraiment blessé.

Pourquoi dédiez-vous ce livre à Elvis Presley ?

Parce que c’est le jour de sa mort que j’ai emmené Andy chez Ali. Et parce qu’Ali, Burroughs, Warhol et Elvis venaient tous de milieux très pauvres et ont réussi à devenir des icônes des sixties en changeant les règles chacun dans leur domaine. Ils sont de plus les rares stars des sixties à avoir eu encore plus de succès dans les années 1970. Et puis ils avaient tous besoin, comme les rock-stars, d’un entourage. Ali avec son camp d’entraîneme­nt où toute son équipe lui était dédiée, Warhol avec la Factory, Burroughs dans son bunker où chacun avait un rôle déterminé – son chauffeur, son dealer, celui qui lui faisait la conversati­on, etc. Aucun de ces êtres n’était naturellem­ent heureux : si vous les laissiez seuls, ils sombraient dans l’horreur. Ce qui a fait le plus grand bien à Warhol, ça a été de collaborer. Plus il multipliai­t les collaborat­ions, plus son travail s’améliorait.

Comment êtes-vous entré à la Factory ?

Andy m’a demandé de revenir car il voulait faire une émission télé intitulée Andy Warhol’s Nothing Special : je devais parler avec les gens de la Factory, prendre des notes, en faire un projet de show. Puis je l’ai aidé à écrire Exposures, j’ai travaillé pour son magazine Interview. J’ai beaucoup appris de lui : sa méthode pour faire un entretien, c’était de ne pas arriver avec des questions préconçues. “Tu t’assois avec la personne et tu laisses la conversati­on suivre son cours”, me conseillai­t-il. La façon dont la personne parle, les mots qu’elle emploie, sont aussi importants que ce qu’elle dit. Ce qu’il aimait aussi, c’était faire parler ensemble deux personnes célèbres. Pour moi, le travail le plus important d’Andy n’est pas visuel, mais écrit : c’est le langage. Il avait beaucoup de difficulté­s à parler quand il était enfant, il s’est rattrapé en écrivant.

En quoi Mohammed Ali était-il subversif ?

Quand il s’est opposé à la guerre. Qui aurait eu les couilles de risquer sa carrière contre la guerre du Vietnam ? Et cette époque ? Elle était subversive par la contre-culture qui émergeait et faisait peur au gouverneme­nt au point que Nixon, en 1968, a initié une série d’attaques sérieuses contre elle. Il voulait démanteler tout mouvement contre-culturel, il a arrêté des gens. C’est d’ailleurs fou comme il y a eu

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France