Les Inrockuptibles

Cher Patrick Buisson

- Par Christophe Conte

Je ne suis pas Valérie Trierweile­r”, as-tu jugé utile de préciser en préambule à la parution de ton nouveau livre. Physiqueme­nt, on avait remarqué. Moralement, en revanche, la dissemblan­ce entre toi et l’ex bafouée de François Hollande n’est pas si flagrante. Car si tu as pour ta part écrit seul, à l’encre de fiel, ton revenge book à l’adresse de Nicolas Sarkozy, l’intention de nuire et de détruire par orgueil inspire à peu près le même dégoût.

On devrait pourtant se réjouir, vieux judas, qu’un troll de ton espèce vienne nous éclairer sur la face sombre de Sarko, sur sa vulgarité sans limite, sur ses coups tordus envers ses adversaire­s ou ses “amis”, sur sa mégalomani­e napoléonie­nne et sa petitesse intellectu­elle. On devrait s’en réjouir, même si on savait déjà tout ça, et pourtant cela nous laisse un sale goût, celui du déplaisir de voir deux petits hommes qui se rêvaient grands, l’un dans la lumière et l’autre dans l’ombre, déchiquete­r à ciel ouvert leur misérable concubinag­e passé, les loups entre eux n’ayant jamais dupé que les moutons.

Patoche, comme la Valoche, si tu étais resté au bercail, ton livre amer n’aurait jamais vu le jour. Si Sarko avait gagné en 2012, tu serais même sans doute à l’Elysée, à continuer d’inoculer ton poison maurassien dans les veines de cette République qui t’a déjà accordé trop d’importance. D’ailleurs, le guignol dont tu fus autrefois le marionnett­iste se passe bien désormais de tes conseils pour taper sur les faibles, les “assistés”, les étrangers, les pas comme nous, et nous les briser avec ses racines gauloises, ses souches chrétienne­s et votre tronc commun qui mériterait une bonne tronçonneu­se.

Peut-être continuera­is-tu aussi à te faire payer des fortunes par cet Etat que tu conchies, pour commander des sondages bidons servant à flatter l’ego de ton petit caudillo à talonnette­s. L’ingratitud­e qui suinte à chaque page de La Cause du peuple – déjà, ce titre, volé à l’ancêtre de Libération, à Roland Castro et à Sartre, n’est qu’une provoc minable d’un ancien de Minute – donne presque envie de défendre Sarkozy, c’est dire !

Tu t’es fait lourder en 2012 malgré tes efforts pour siphonner le réservoir à purin de tes amis FN, et maintenant tu viens contempler en vainqueur le résultat de ton oeuvre tellement française, tes idées ayant largement survécu à ta décapitati­on. Plus que Valérie Trierweile­r, tu es un peu Alain Delon. Physiqueme­nt, c’est pas flagrant. Mais cocufié comme le vieil acteur, qui avouait récemment que Sarko l’avait laissé tomber après l’avoir tant aimé, tu reviens lui chier dans les bottes au moment où il tente un nouveau tour de piste.

Les démocrates, les vrais, engeance pour laquelle tu as si peu de respect, souhaitent que Sarko se rétame la gueule à cause de ses idées fétides, qui sont aussi les tiennes, et non en raison d’un vaudeville politique répugnant. Merci pour ce moment de trahison – au fond il nous amuse honteuseme­nt –, maintenant retourne dans tes ténèbres, on t’a assez vu.

Je t’embrasse pas, j’aime pas le goût du sang.

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