Les Inrockuptibles

“on pourrait être un groupe de rock. Dans une formule basse-batterie, pourquoi pas… C’est assez séduisant, ça pourrait nous amuser”

Xavier de Rosnay

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californie­nne aux dance-floors humides du Paradise Garage (période Larry Levan bien sûr).

Pour Woman, troisième album coloré, vivant, disco et psyché à la fois, le duo s’est découvert un appétit féroce pour l’hédonisme. Safe and Sound et Randy, envoyés en éclaireurs, n’ont pas démontré autre chose. Produit en partie à la maison (celle de Xavier de Rosnay), Woman est une petite merveille de musique qui convoque autant Steely Dan que les Jackson Five, autant la BO de Vampyros Lesbos que le groove tubulaire de Moroder, le tout sous influence de drogues à venir. Le résultat est une sorte de Dark Side of the Moon digital et patiné à la fois, parfois funky et toujours monté sur vérins. Pendant ces cinq années d’absence, nous avons donc eu raison de faire confiance aux Justice de notre pays. Entretien.

Votre deuxième album,

date de 2011. Qu’avez-vous fait depuis tout ce temps ?

Xavier – En général, on se voit beaucoup, même quand on est en hiatus. Pour chacun de nos albums, l’idée vient bien avant qu’on commence à travailler dessus. La genèse du deuxième album avait commencé lors de la tournée du premier et là, c’est presque ça. On a accumulé des idées, on les a affinées en parlant jusqu’au moment où on a commencé à bosser sur les disques. En vrai, on n’arrive jamais exactement là où on pensait aller. L’idée de faire ce disque vient, tout simplement, de nos vies, on se sentait prompts à faire ce genre de musique.

Sur justement, ce troisième album, vous semblez moins énervés, moins sombres…

Xavier – On n’a jamais été très énervés mais avant, c’était plus “baston” parce qu’on était jeunes. On faisait des morceaux un peu disco depuis le début, mais c’était une réaction à ce qu’on connaissai­t de la musique électroniq­ue à ce moment-là, un truc assez sérieux, où tout était plus du design sonore que de la musique. Nous, on arrivait, on n’était pas musiciens, on ne voulait pas faire du design sonore, déjà parce

Disco, Woman Audio, Video,

qu’on n’aurait pas su en faire, on n’avait aucune technique. On s’est dit, faisons les trucs les plus agressifs possibles. Faire de la musique désagréabl­e à écouter, c’était presque un postulat. Et de temps en temps, on continue. Dans le nouveau disque, il y a des morceaux qu’on appelle “prise d’otages”, désagréabl­es à écouter, dont la structure ne récompense pas l’auditeur.

Depuis deux disques, on dirait que vous ne donnez pas aux auditeurs ce qu’ils pourraient attendre. Les fans du départ risquent d’être déroutés par ce nouvel album, non ?

Xavier – On ne sait pas ce que les auditeurs veulent vraiment, on ne l’a jamais su. On a des morceaux pop, d’autres agressifs. Le fait même que ces titres aient trouvé un auditoire nous paraît invraisemb­lable. On continue juste à faire les choses naturellem­ent, en espérant que quelques-uns s’y retrouvent.

Gaspard – Ce qui est intéressan­t, c’est qu’on n’a pas vraiment de public type. Certains veulent retrouver Stress, d’autres D.A.N.C.E… D’autres apprécient les deux. Notre luxe ultime, c’est que même si on voulait se cantonner à un truc qui a marché, on ne pourrait même pas le faire parce qu’on ne sait pas exactement ce que les gens veulent.

Xavier, tu disais qu’au début vous n’étiez pas musiciens. Qu’est-ce qui vous a poussés à faire de la musique ?

Xavier – On n’était pas musiciens certes, mais on aimait la musique et, comme tout le monde, on a joué dans des groupes de lycée. Le moment où on a commencé à faire de la musique était concomitan­t avec la démocratis­ation absolue des moyens de production. On avait des amis qui avaient un graveur de CD et un label, Musclor Records, plus indé tu meurs – les ventes, ça devait être 60 copies par sortie. Ils avaient demandé à tous leurs amis, y compris les non-musiciens, de participer à une compilatio­n. On s’est retrouvés tous les deux à une réunion, on venait juste de sympathise­r, et on l’a fait.

Sur le nouvel album, un morceau s’appelle et sonne comme du heavy metal sans guitare électrique.

Heavy Metal

L’influence du metal a toujours été présente dans votre musique. Avez-vous pensé au début faire un groupe de metal ?

Gaspard – Ce morceau, c’est plus un hommage au magazine de BD, la version américaine de Métal hurlant, et au dessin animé, qu’on regardait au moment où on faisait le morceau. Le metal, c’est un peu une musique de romantique­s frustrés qui s’inventent une carapace impression­nante. C’est un peu des puceaux qui galèrent au lycée et qui se plongent là-dedans. Une grande mascarade, mais c’est ça qu’on aime bien aussi. Le fantasme du heavy metal, l’imagerie, nous parle plus que la musique en fait.

Xavier – On avait trouvé le DVD du dessin animé en Suède, dans une boutique pour fans de science-fiction et de lutins. Le dessin animé, comme le magazine, c’est futuriste dystopique, très technique et un peu maladroit. Ça collait assez bien avec le morceau. Et, oui, on pourrait être un groupe de rock. Peut-être pas de metal, mais de rock. Il faudrait qu’on s’entraîne beaucoup, parce que c’est une musique d’instrument­istes et qu’on n’est pas de très bons instrument­istes. Mais dans une formule basse-batterie comme Death From Above 1979, pourquoi pas… C’est assez séduisant, ça pourrait nous amuser.

Quand vous vous êtes retrouvés pour travailler sur le disque, vous étiez d’accord sur tout ?

Gaspard – Comme disait Xavier, on avait une espèce de fantasme du troisième album. On disait : “On va faire ci, on va faire ça”. Et quand on est entrés en studio et qu’on a commencé à jouer ensemble, c’est parti dans une direction différente.

Xavier – Un des mots-clés, c’était de faire un disque de “gospel”, au sens très large. Le gospel comme une musique de communion, à partager et qui te fait te sentir bien. Un disque choral. Et c’est le cas, dans la plupart des morceaux, il y a une vraie chorale. On est parfois partis de voix synthétiqu­es, doublées par une vraie chorale pour donner de l’épaisseur.

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