Les Inrockuptibles

“Woman est peut-être le moins hermétique de nos disques. Il peut donner envie de danser avec des amis, ou d’avoir le coude sur la portière”

Gaspard Augé

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entendre. Les mecs qui écoutaient notre premier album à 18 ans écoutent probableme­nt autre chose maintenant. On ne fait pas de la musique par rapport à cette question-là, mais on se la pose quand même. On n’est pas du tout blasés. C’est toujours une surprise de voir que des gens s’intéressen­t encore à nous, et surtout des gens plus jeunes, qui n’ont pas connu le premier album à l’époque de sa sortie.

A cette époque, en interview, vous décortiqui­ez tout – les symboles, les couleurs, la croix. Est-ce que la joie de cet album, c’est aussi de ne pas analyser, de commencer simplement ?

Gaspard – Il y a truc très honnête et très personnel sur ce disque…

Xavier – Oui, on n’est plus obligés de se faire remarquer, tels ces ados qui se teignent les cheveux et qui se mettent du khôl sous les yeux (rires).

Gaspard – On n’a jamais vraiment voulu expliquer notre musique, c’est toujours vain, et ça réduit la possibilit­é pour l’auditeur d’y mettre ce qu’il veut y mettre… Aujourd’hui, on n’essaie plus d’assener une vision, on essaie simplement de créer un support phantasmat­ique… Les perfectos, c’est fini ? Xavier – On a l’impression d’être déguisés quand on en met. Alors, évidemment, on n’a pas inventé le perfecto, mais comme c’est devenu l’uniforme du jeune, on n’ose plus… Il y a un âge où ça n’a plus trop de sens… Mais bon, on n’a pas fait de réunion consacrée à ça… Je comprends qu’on ait eu une image de poseurs, mais on a toujours fait les choses de façon très spontanée…

Autour de vous, il y a toujours eu Pedro Winter et So Me, qu’en était-il sur ce disque ?

Xavier – So Me bossait chez nous pendant qu’on enregistra­it le disque. Alors il a beaucoup suivi le disque, et c’est une excellente balise. Il sait se faire l’avocat du diable, et même quand c’est bien, il nous pousse à faire mieux… C’est lui qui nous a poussés à sortir Safe and Sound en premier, on avait d’autres singles en tête, et lui nous a dit : “Envoyez un morceau calme, pas forcément un tube”… Pedro, d’Ed Banger, est aussi très important. Il y a aussi mon frère Christian et Charlotte Delarue qui a fait notre pochette précédente et celle-ci…

L’album s’appelle Faut-il prendre ce titre au premier degré comme un hommage à la femme, aux femmes ?

Xavier – Le mot est beau, puissant, et l’un des moteurs principaux de ce qu’on fait, c’est les femmes. Nos mères, nos filles, nos copines, nos amies. C’est un hommage à la femme à qui l’on essaie de plaire, de donner une bonne vie. C’était très naturel pour nous.

Votre label, Ed Banger, a 13 ans. C’est un endroit qui vous rassure ?

Gaspard – C’est la maison mère, on est content d’être là… Comme ce sont nos pairs, on veut leur faire écouter le produit le plus fini possible.

Woman.

Xavier – Oizo a fait un album, Moustache, qui a changé nos vies, au même titre qu’Alan Braxe.

Quand vous voyez l’évolution d’un SebastiAn qui devient producteur, ça vous fait envie ?

Xavier – Il est très fort pour ça. Nous, on a tendance à mettre en priorité nos propres disques, et je ne sais pas si on serait capables de produire pour de “gros” artistes, avec quarante personnes dans la boucle. On aime faire nos albums, on est un peu réacs là-dessus, on aime avoir dix morceaux sur un disque. Là, il y a au moins trois ou quatre morceaux qui n’auraient pas de raison d’être si on n’avait pas fait un album. On fait de la musique sans se dire qu’il faut des morceaux clubs ou des hits, ce n’est pas forcément ce qui nous intéresse aujourd’hui…

Comment imaginez-vous Justice dans vingt ans ?

Xavier – C’est tellement fluctuant, on ne se projette pas trop. Là, pour la première fois, les artistes de musique électroniq­ue commencent à vieillir. Il n’y a pas d’antécédent. Ce n’est pas comme dans le rock où tu as l’exemple des Rolling Stones qui tournent encore à 80 ans. Les plus vieux en electro ont 55 ans, ce qui est encore jeune. Comment on vieillit dans la musique électroniq­ue ? C’est un mystère.

album Woman (Ed Banger/Because), sortie le 18 novembre

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