Les Inrockuptibles

“je viens de Purcell, de Bach et de Haendel, et lui de Joy Division, des Stooges et de Bowie”

Arielle Dombasle

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halluciné que je connaisse ses films. Elle m’a dit qu’elle voulait me rencontrer chez moi, dans mon quartier. Je lui ai dit : ‘Je vous préviens, ici c’est la merde !’ Arrivée ici, elle m’a dit que c’est comme ça qu’elle imaginait la maison d’Arthur Rimbaud (rires) ! Moi, j’étais en train de finir Les Faubourgs de l’exil et je lui ai dit que ce serait drôle qu’elle fasse des choeurs sur l’une des chansons. On est donc partis faire ça au Point Ephémère. C’est là qu’Arthur Peschaud (le patron du label Pan European – ndlr) lui a demandé de faire une chanson pour la mettre sur une compilatio­n. On a donc fait cette chanson et là j’ai pensé que ce serait mieux de faire un maxi. Ensuite, la manageuse d’Arielle a dit qu’il valait mieux faire un album. Rien n’était prévu. Tout s’est passé sans aucune cupidité, sans ce côté “la belle et la bête” dont on me parle.”

L’associatio­n (de malfaiteur­s) Dombasle-Ker va en effet beaucoup plus loin que cela : les voir ensemble quelques instants vous permet de planter le décor. En juin, c’est du côté de Bastille qu’on les avait retrouvés en studio, peaufinant les titres de La Rivière Atlantique. Monté sur ressorts, Nicolas Ker courait d’un bout à l’autre du studio. Et plus de guitares, et plus de ceci, et plus de cela. Devant une Arielle Dombasle à la bienveilla­nce extrême. A la moindre pause, les échanges fusent. On parle littératur­e, ciné (Ker vous raconte comment il a initié Arielle à Dario Argento), musique bien sûr, Ker en fait trop, Arielle se marre, évoque Racine ou Julie de Lespinasse, c’est parfait.

L’ambiance est au travail, mais aussi à cet échange permanent qui fait du disque de ces deux-là un objet aussi passionnan­t. Ker, en Lee Hazlewood fantasmé, a fait d’Arielle Dombasle sa Nancy Sinatra idéalisée. Elle, qui vient plutôt du classique, a décidé de jouer le jeu à fond la caisse : “Il y a une correspond­ance entre nos voix, un champ magnétique. Je viens de Purcell, de Bach et de Haendel, et lui de Joy Division, des Stooges et de Bowie. Il m’a fait découvrir la genèse de tous ces groupes. Moi je ne connaissai­s que le Velvet Undergroun­d que mon père écoutait beaucoup, et Bowie bien sûr…”

Fasciné, Ker a aidé Arielle à trouver sa place, au millimètre. “Je lui faisais écouter Mazzy Star et je lui disais qu’il fallait qu’elle murmure. Je trouvais qu’on avait trop utilisé son registre lyrique pour la ‘trivialise­r’. J’ai voulu utiliser ses années de lyrique pour des contre-chants et des choeurs car elle monte à des octaves où moi je ne peux plus… et ça nous a aidés. Moi, j’ai une voix cassée (il se met à tousser). Au départ, Arielle voulait que je chante tout et je lui ai dit : ‘Non Arielle ! Vous n’êtes pas une choriste de luxe !’ BHL lui disait : ‘Mais carrément Arielle ! Ecoutez-le !’ Et c’est là que j’ai dit qu’on allait tout chanter ensemble. Tout, de A à Z. Ça s’appelle Arielle Dombasle et Nicolas Ker.”

Il faut voir ce duo comme une comète où se téléscoper­aient Televison et Lamartine, Saint-Simon et William Burroughs, Angelo Badalament­i et Bach, Bernard-Henri Lévy et les Poni Hoax Vincent Taeger ou Laurent Bardainne. L’été 2015, alors que Poni Hoax était parti en Thaïlande pour l’enregistre­ment de son futur album, Tropical Suite, Arielle Dombasle avait suivi la troupe. Ker lui a alors présenté sa bande. La doublette Ker-Dombasle fonctionne comme ça, à plein temps, se nourrit des expérience­s de l’un comme de l’autre. Arielle ne tarit pas d’éloges sur son nouvel acolyte (“Nicolas, c’est un vif-argent”, dit-elle), à tel point qu’elle convainc Laurent Ruquier d’inviter Ker, en juin, dans son émission du samedi, pour Les Faubourgs de l’exil, son album solo.

Fidèle à sa légende d’entertaine­r, Ker fait naturellem­ent sensation, à côté d’un Yann Moix mi-inquiet, mi-médusé. Convoqué à l’interview au centre du plateau, Ker se croûte avant d’atteindre la chaise et crie “aïe !” avant même d’avoir touché le sol. Rock-star dans tous ses états. Il raconte aujourd’hui : “Moi, je flippais à mort. La veille, j’avais fait un concert, j’étais naze. J’avais amené une bouteille de vodka car je savais qu’il n’y avait aucun alcool dans les loges. J’avais envie de fumer des clopes, de pisser et de boire un coup. Et donc je rampais comme ça (il se met à ramper sur le sol mimant la situation) pour éviter la caméra… Tout le monde paniquait en me voyant faire ça. J’allais donc vite fait dans les loges… Je prenais une clope… Je prenais ma bouteille et je faisais glou glou glou… Ensuite, je revenais toujours en rampant. Après ça, boum ! Explosion dans ma tête ! Je ne me rappelle de rien. J’ai un vague souvenir de Cécile Duflot. Le lendemain, je suis dans mon lit et je me dis : ‘Qu’est-ce que j’ai fait !’ L’horreur absolue ! Et juste après ça, je constate que je suis premier au hit parade !”

En une émission, Ker étend son influence grâce à la bienveilla­nce d’Arielle Dombasle. Sur ce disque, ils ont bossé toute l’année et mis la touche finale cet été. Tournage des clips sur le toit du Grand Hotel de Cabourg (celui dont parle Proust dans La Recherche, en le situant à Balbec) ou au Maroc. Méthodes artisanale­s, scénarios torturés, et complicité extrême entre les deux.

Au départ, dans la petite entreprise qui les rassemble, Arielle Dombasle voulait laisser la vedette à Ker, mais ce dernier a exigé l’inverse : une jointventu­re assumée où chacun viendrait avec sa culture. Elle le lui rend bien. Arielle Dombasle a emmené Nicolas Ker sur le tournage de son prochain film (où il sera aussi question de cette Rivière Atlantique), et lui a confié un rôle. “Je l’ai aidé à se mettre en image. Il se rapprocher­ait d’un personnage de Cronenberg, peut-être. Il est aussi très pasolinien bien sûr, avec une incarnatio­n, du corps, du geste, il se dégage de lui une certaine évidence. Il ne joue pas, il est tout simplement.” Donnant donnant.

album La Rivière Atlantique sortie le 14 octobre

(Pan European),

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