“chez Areva, j’ai eu la chance de travailler avec Anne Lauvergeon, une icône rock’n’roll décomplexée”
famille, El’Blaszczyk n’avait pas soif de reconnaissance (même s’il a fait quelques concerts et eu droit à un reportage sur FR3 en 1994). Mais, origines slaves et gauloises obligent, il avait soif tout court. “La bibine, sujet intéressant… J’ai beaucoup alambiqué. Au labo d’océanographie, j’ai créé trois boissons : un soda aux algues, une liqueur bleue et un pastis marin”, dit-il en vidant cul sec un godet de guinette, le légendaire vin aromatisé du non moins mythique bistro-cave rochelais de la rue Saint-Nicolas. Comme un troublant relent de sa chanson Cocktailo-thérapie, où il chantait les vertus de la vodka-pétrole Hahn ou du schnaps-térébenthine (avec solo de glouglou).
Mais l’acmé de sa carrière de barman en blouse blanche, c’est la recréation de “Zoé le soda atomique”, à base de radium (cette chose a vraiment existé), dont il a relancé la production alors qu’il travaillait pour Areva, la multinationale française du nucléaire. Car, oui, El’Blaszczyk a travaillé quinze ans pour Areva. Directeur de la communication, puis fondateur-directeur d’Urêka, le musée de la Mine d’uranium de Bessinessur-Gartempe (dans le Limousin). “J’ai eu la chance de travailler avec Anne Lauvergeon, une icône rock’n’roll décomplexée, elle a tout chamboulé dans ce milieu très fermé, très militaire. Je suis arrivé comme communicant prototype de cette nouvelle ère. J’allais au bureau en Jeep, habillé en chercheur d’uranium des années 50. J’ai pu recréer mon monde dans le musée. Dans tous mes boulots, j’étais d’abord moi…” Comme un troublant écho à son cycle de chansons à thématiques médicales et radiographiques, les inédits Rock in the Clinic de la compile.
Aujourd’hui installé à Limoges, le soldat inconnu du rock français devenu apprenti savant fou travaille comme consultant indépendant. Récemment, des inondations ont détruit une partie de ses archives, dont l’unique exemplaire du Tapfex®. Une bataille tristement perdue, mais le maquisard continue le combat : “J’ai accepté de travailler sur cette compilation parce que j’avais un peu de temps devant moi. C’est l’heure de mon come-back, vingt-cinq ans après un 45t… Maintenant, j’ai trois ou quatre idées d’albums dans les cartons, des choses à reprendre et finaliser, sur le thème de la Résistance, comme Le Rock des FFI, qui ne sera pas bon pour l’entente franco-allemande. Je pourrais aussi refaire des Tapfex® en édition limitée, mais c’est fini maintenant la raclée, on ne tape plus…”
L’histoire d’El’Blaszczyk le prouve : le passé est le présent du futur, l’enfance est l’avenir de l’homme, et la vie est un chemin d’aventures en spirale où l’on éprouve parfois le trouble de croiser l’écho de soi-même à une autre époque. Quelque chose comme ça. Récemment, El’Blaszczyk a reçu chez lui pour quelques jours la fille de sa soeur (sa nièce, donc), de cette soeur qui chantait sur ses morceaux il y a plus de vingt ans. La nièce a 13 ans, l’âge de sa mère à l’époque, et le tonton flingueur a profité de ce passage pour enregistrer un duo avec elle, Lettre à mon FFI. “Ça fait du bien. Vingt-cinq ans après, avec une génération de décalage, j’ai retrouvé la même chose, le même élastique qui tend le truc.” Non, El’Blaszczyk n’a pas fini de jouer à l’élastique.
album The Quirky Lost Tapes, 1993-95 (El Maquis Productions/Born Bad) merci au Musée maritime de La Rochelle