Les Inrockuptibles

Poesía sin fin

D’Alejandro Jodorowsky Suite de l’autobiogra­phie baroque de l’iconoclast­e cinéaste-tarologue, où l’emphase prime un peu trop sur la nostalgie.

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A87 ans, Alejandro Jodorowsky persiste et signe avec la suite de La Danza de la realidad, autobiogra­phie à la Amarcord sur son enfance dans un village chilien. Poesía sin fin retrace principale­ment la jeunesse de l’artiste à Santiago du Chili dans les années 1940-50, avant son départ pour la France.

Poursuivan­t sur la lancée du premier volet, Jodorowsky reprend ses délires filmiques sur le même mode barocoexce­ssif, ou “psycho-magique”, pour citer son expression. Mais cette fois, le récit est éclaté ; la famille ne compte plus, l’esprit communauta­ire a disparu, la politique est aléatoire. Restent la ville et les obsessions du héros – incarné par un des fils du cinéaste, Adan (un autre, Brontis, joue à nouveau le rôle du père) –, qui se résument souvent à provoquer et à éclabousse­r la société bourgeoise avec ses éclats intempesti­fs.

Mais la stylisatio­n rend l’ensemble assez intemporel. Le film étant souvent tourné en studio, l’époque, le lieu et la chronologi­e deviennent accessoire­s. Le récit n’est pas linéaire : c’est une suite de moments vécus ou imaginaire­s, en général hyper stylisés, où le jeune Jodo festoie avec ses amis bohèmes et se mélange avec des créatures bigger ou smaller than life, tout en ressassant à l’envi le mot “poésie”. Mais suffit-il de se clamer “poète” pour le devenir ? On se le demande. Il reste indéniable que Jodorowsky est un grand saltimbanq­ue féru de grotesque, pour le meilleur et pour le pire. Le pire : une tendance décorative parfois envahissan­te. Le meilleur : un mixte de fellinisme et de comédie musicale hollywoodi­enne. On retiendra quelques morceaux de bravoure, comme la scène d’amour démente avec une femme naine sur la chanson Cheek to Cheek version Fred Astaire, ou la danse étrange de la chorégraph­e Carolyn Carlson. Quoique souvent indigeste et répétitif, c’est le film punk de l’année. Vincent Ostria

Poesía sin fin d’Alejandro Jodorowsky, avec Adan Jodorowsky (Fr., Chili, 2016, 2 h 08)

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