Les Inrockuptibles

Don’t Breathe – La maison des ténèbres de Fede Alvarez

Trois cambrioleu­rs dans la maison d’un vieil aveugle. Un film d’horreur jusqu’au-boutiste et virtuose. Le récit débute dans les rues d’un Detroit à l’abandon, mis à terre par la crise et livré à ses fantômes.

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Trois jeunes gens, qui cambriolen­t des maisons pour échapper à leur quotidien sans avenir, s’introduise­nt dans la demeure d’un vétéran de guerre aveugle qui dort sur un important pactole. Leur victime va se révéler bien plus terrifiant­e que prévue…

A partir de ce pitch proposant une relecture horrifique du canevas classique de l’arroseur arrosé, le second long métrage de Fede Alvarez (auteur du remake d’Evil Dead en 2013) est un exercice de style brillant dont la frontalité extrême et dénuée d’ironie se déploie sur trois niveaux, comme trois cauchemars qui se referment les uns sur les autres.

Après les visions postapocal­yptiques d’Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch et les rêveries troubles de Lost River de Ryan Gosling, la ville sinistrée s’affirme comme le nouveau terreau de l’horreur à l’américaine, miroir déformant de ses fantasmes les plus noirs placé au bord du précipice.

Ce hors-champ reste palpable quand la porte de la maison se referme derrière les jeunes gens, marquant le début du deuxième cauchemar. C’est ici l’intelligen­ce d’une mise en scène constammen­t sous Stephen Lang tension qui permet de dépasser les écueils du film à pitch. L’espace, envisagé comme un gant qui se retourne pour piéger les protagonis­tes, est exploré le temps d’un plan-séquence virtuose qui expose les potentiali­tés d’un dispositif narratif diabolique. La cécité de l’antagonist­e à la carrure quasi mythologiq­ue sert quant à elle de prétexte au déploiemen­t ludique d’une gamme d’actions et de mouvements liés aux sens : retenir sa respiratio­n malgré l’angoisse, palper des vêtements, sentir l’odeur de chaussures pour détecter la présence d’un intrus, avancer à tâtons dans l’obscurité d’une cave.

L’élégance du dispositif s’estompe à la (dé)faveur d’un retourneme­nt narratif qui rebat les cartes pour achever le film dans une débauche de violence. Mais si le récit, désormais maintenu en respiratio­n artificiel­le par des twists incessants, s’élance dans une interminab­le course-poursuite ponctuée aussi bien par des éclats de terreur que par des virages franchemen­t malsains, la fascinatio­n l’emporte in fine face à cette débauche de violence exsangue orchestrée de main de maître. Alexandre Buyukodaba­s

Don’t Breathe – La maison des ténèbres de Fede Alvarez, avec Jane Levy, Stephen Lang (E.-U., 2 016, 1 h 28)

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