Les Inrockuptibles

Des camélias pour Judith

La comédienne Judith Chemla convoque les multiples visages de l’héroïne de La Traviata dans un opéra de poche où l’intime des mots le dispute au lyrique dans un précipité d’émotions.

-

Une cascade translucid­e de mousseline blanche tombe des cintres et transforme les Bouffes du Nord en une grotte miraculeus­e. Elle se déploie dans sa chute sur l’ouverture de la cage de scène pour finir au parterre dans une écume d’étoffe froissée s’étendant presque jusqu’aux premiers rangs du public. Devenu le motif d’un geste scénograph­ique unique, ce voile de mariée XXL cristallis­e l’interdite destinée des femmes dévoyées. Le fantasme d’une condition d’épousée auquel l’héroïne de La Traviata sait qu’elle doit renoncer.

Avec Traviata, vous méritez un avenir meilleur, Judith Chemla s’empare de l’opéra de Giuseppe Verdi pour inventer un théâtre lyrique où elle concilie avec une renversant­e sensibilit­é ses deux passions, la comédie et le chant d’opéra. Fruit d’un accord parfait entre Benjamin Lazar à la mise en scène et Florent Hubert à la direction musicale, le spectacle s’éprend dans une émouvante légèreté du destin tragique d’une femme qui, avant de mourir de la phtisie en 1847, s’était fait appeler Marie Duplessis pour devenir l’une des courtisane­s les plus en vue de Paris. S’inspirant du récit de leur liaison pour écrire La Dame aux camélias en 1848, Alexandre Dumas fils la fait entrer en littératur­e sous le nom de Marguerite Gautier. Découvrant l’adaptation théâtrale de l’oeuvre en 1852, Giuseppe Verdi la renomme Violetta Valéry et lui dédie un opéra en 1853.

Son vrai nom est Rose Alphonsine Plessis, et elle est ruinée à 23 ans quand elle ne trouve d’abord que la fosse commune pour jouir du repos éternel. Chercher la femme derrière la multiplica­tion des pseudonyme­s, c’est au final ne tirer que sur un seul fil, celui d’un insolent désir de vivre qui amène

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France