Les Inrockuptibles

Désirs pluriels

Le Printemps de septembre de Toulouse se déploie cet automne sous le signe de la “pluralité des mondes”. Y affleurent des oeuvres de Stan Douglas, David Shrigley, Hans Op de Beeck ou Ragnar Kjartansso­n.

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Dans son Plurivers – Essai sur la fin du monde, le philosophe Jean-Clet Martin constatait en 2010 l’avènement de la fin “du” monde au profit de la multiplica­tion “des” mondes. En passant de l’univers au “plurivers”, notre cosmologie se reconfigur­e autant que les cadres de la vérité, de la mémoire, de la politique ou de l’esthétique, tous différés par cette pluralité inhérente au temps présent. Cet horizon du “plurivers” guide dans ses secrètes profondeur­s l’esprit du nouveau Printemps de septembre de Toulouse, stimulante manifestat­ion d’art contempora­in fondée par Marie-Thérèse Perrin et dirigée depuis cette année par Christian Bernard, fondateur du Mamco de Genève.

Pensé selon “une approche non-muséale, voire méta-muséale”, ce Printemps de septembre, sous-titré “Dans la pluralité des mondes”, défend au coeur des lieux explorés ce principe de multitude. Un principe qui tient moins de la logique d’abondance, certes importante (près de cent cinquante artistes exposés), que de la volonté d’éclatement des cadres de la pensée et de l’expérience esthétique. Les parcours osés dans la Ville rose jouent avec les rituels des espaces, travaillen­t les impensés de l’histoire de l’art, et conditionn­ent au fond une expérience du regard dégagé de toute volonté de hiérarchis­ation entre les gestes artistique­s.

Beaucoup des oeuvres exposées sont volontaire­ment situées dans un dialogue avec des oeuvres qui les précèdent dans le temps et les excèdent dans l’espace, culturel ou géopolitiq­ue. Attaché à l’idée de “mettre des oeuvres en regard” et de bousculer les récits de notre histoire de l’art, Christian Bernard imagine Le Musée préparé au musée des Augustins, où des pièces issues de la collection de la Fondation Cartier pour l’art contempora­in s’insèrent discrèteme­nt au coeur de l’accrochage de peintures anciennes, permettant par exemple de découvrir ébahi le visage de Paul Claudel, sculpté par sa soeur Camille, perdu dans le ciel étoilé d’une peinture de Thomas Demand, mais aussi des pièces de Klossowski, Thomas Ruff ou Hiroshi Sugimoto aux côtés de Manet ou Toulouse-Lautrec…

Cet effet de consonance se déploie aussi au musée Paul-Dupuy, où le commissair­e Charles Esche joue, dans son Musée égaré, avec les impensés et refoulés en reformulan­t un récit muséal à partir de pièces contempora­ines reflétant la réalité du monde extra-occidental. Ce jeu construit à partir d’échos, d’écarts ou de présences discrètes du présent

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