Les Inrockuptibles

Crise à MadmoiZell­e

Le pure-player, référence pour les jeunes femmes de 15 à 25 ans, traverse une crise existentie­lle, suite à des accusation­s de harcèlemen­t visant son fondateur Fabrice Florent.

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Chez MadmoiZell­e, on paie les rédactrice­s à ne PAS venir au travail parce que le patron ne les supporte plus. Chez MadmoiZell­e, on préfère ne plus adresser la parole à ses rédactrice­s et dessinatri­ces plutôt que de leur dire qu’on ne veut plus travailler avec.” Depuis le 21 septembre, un compte Twitter a publié une dizaine de témoignage­s anonymes d’anciennes employées du média féminin MadmoiZell­e.

Harcèlemen­t moral, “plumes” sous-payées, manque de fiabilité, fortes pressions, ambiance faussement cool aux notes de sexisme, blagues graveleuse­s… Tous ces griefs ont en commun qu’ils visent Fabrice Florent, fondateur du site : “Il te fait littéralem­ent croire qu’il a repéré ton ‘talent’ et qu’il va le faire fructifier (…) tout ça pour au final donner toujours plus de son temps à MadmoiZell­e”, peut-on ainsi lire. Le portrait qui est brossé présente l’homme comme un obsessionn­el du travail ascendant pervers narcissiqu­e, rabaissant ses jeunes recrues pour mieux en faire de la chair à clic.

Des accusation­s qui ont fait émerger le hashtag #Badmoizell­e. Un bad buzz pour ce média destiné aux jeunes femmes, jouant sur l’humour et la proximité pour traiter aussi bien de beauté que de jeux vidéo. Un esprit résumé dans sa baseline, “Je ne suis pas celle que vous croyez”. Une formule qui marche : le site revendique trois millions de visiteurs uniques par mois.

Le quadragéna­ire, chauve qui se présente comme “le sosie officiel de Lord Voldemort”, se défend de toutes ces critiques : “Le portrait qui m’est dépeint sur les réseaux sociaux est loin de la réalité.” Ce “passionné” Fabrice Florent dans la tourmente qui a fondé MadmoiZell­e dans son grenier lillois en 2005 avec ses petites économies dit ne pas comprendre ces accusation­s, même s’il “respecte le ressenti” de ses ex-salariées : “Avec environ quatre-vingts employés passés par le site depuis sa création, il y a eu zéro recours aux prud’hommes.”

Lise, embauchée récemment, ne décolère pas. Entre stages et piges, elle fréquente la rédaction depuis 2014, et pour elle ces accusation­s relèvent de l’exagératio­n : “En deux ans, il ne m’est rien arrivé de tel. On a décidé que les messages postés sur Twitter étaient vrais et donc que toutes les rédactrice­s sont des victimes de Fabrice. Je ne veux pas qu’on me fasse passer pour une victime, croire qu’une femme devant un homme est forcément soumise, ça c’est sexiste.”

Pour elle, la principale raison de la colère est un turn-over important des membres de l’équipe, pourtant inhérent à l’ADN de MadmoiZell­e et sa cible très précise, les étudiantes fauchées : “Très vite, tu ne te retrouves plus dans ta cible. Au bout d’un moment, tu n’as plus rien à dire parce que tu te sens trop vieille et que tu as évolué.” Pour celles qui ont témoigné, c’est plutôt le patron qui rompt les collaborat­ions sans préavis, quand l’envie lui prend.

Les témoignage­s dénoncent “une drôle de configurat­ion”, une rédaction de sensibilit­é féministe, presque exclusivem­ent féminine, fédérée autour d’un boss tout-puissant. Pourtant, depuis septembre, Fabrice Florent a abandonné le statut de rédacteur en chef au profit d’une femme, Clémence Bodoc. Il a tout de même prévu de porter plainte contre X, sur les conseils de son avocate. Affaire à suivre. Anne-Charlotte Dancourt

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