Cher Bernard de La Villardière
Acause de Dossier tabou, on dirait que t’es à bout. Et l’injustice qui te frappe, crois-le bien, nous atteint en ricochet, nous qui avons tant apprécié cette émission diffusée sur M6, en prime time, le 28 septembre dernier.
L’idée même de te confier une émission de décryptage des sujets chauds de l’actualité est une belle idée. Ton expertise en la matière est incontestable, Enquête exclusive ayant apporté la preuve depuis plusieurs années de ta haute considération pour le journalisme de terrain, partout là où ça barde sévère. Ok, du moment qu’une ou deux putes mineures et syphilitiques passent dans le champ, que des dealers à moustaches braquent ta caméra en menaçant de t’exploser les narines et que le spectateur assoupi devant le Nanard du dimanche soir partage le frisson du danger auquel tu t’exposes au nom de la vérité (et du racolage merdique pour quelques coupures pub bien juteuses.)
Dossier tabou, donc, c’est Enquête exclusive mais du côté de chez nous, et le premier sujet choisi méritait bien un homme de ta stature, un incontestable modérateur de l’hystérie collective, puisqu’il s’agissait de l’islam. Un dossier tellement tabou qu’il occupe non-stop tous les magazines, les JT, les talk-shows, les meetings
politiques, les conversations de bistrot, l’extrême droite de la twittosphère et les fantasmes des plus délirants de nos concitoyens les moins mesurés.
Cette émission leur était d’ailleurs destinée puisqu’elle nous amenait à admettre ce “tabou” qui, à te suivre, n’en est plus un : derrière tout vendeur de kebab, tout jeune en bas d’une cité, toute femme portant un foulard, tout imam, tout fabricant de cornes de gazelle, tout possesseur d’un CD de Rachid Taha se dissimule un fou sanguinaire shooté au Captagon qui va décapiter ta soeur et imposer la charia, de Tamanrasset à Neuilly-surSeine. Je caricature ? A peine moins que toi, Narbé. “Si je n’avais pas été journaliste, as-tu dit sur RTL, j’aurais été juge d’instruction”, et j’ai comme l’impression que tu es parvenu à combiner les deux. Les réactions qui ont suivi l’émission, et notamment ton altercation avec une bande de jeunes de Sevran
présentés comme un “mélange de dealers de drogue et de salafistes”, t’ont carrément fait craquer l’élastique du slip. Dans un long post sur Facebook, notamment, tu t’es emplafonné les “idiots utiles” de l’islamisme, et en premier chef… Enora Malagré. Une putain de bataille de molosses du journalisme, ma parole !
La chroniqueuse de Hanouna, qui t’avait traité de “menteur”, est selon toi “l’expression de la bêtise rendue arrogante par le simple effet de l’exposition télévisuelle” et la polémique suscitée par ton émission “révèle le mal profond dont souffre la presse”. Avec ta veste en tweed, tes idées reçues (par la poste, via ton abonnement à Valeurs actuelles) et ta suffisance agressive face à ceux qui te reprochent ta seule lecture zemmouroménardienne d’un sujet trop complexe pour un prime sur M6, j’ai comme l’impression pour ma part que de cette “maladie” tu es le plus alarmant des symptômes.
Je t’embrasse pas, je te laisse à tes grossiers tabous.