Les Inrockuptibles

La fin de l’histoire

- Pierre Siankowski

Dimanche, fin d’après-midi, sur LCI. Nicolas Sarkozy est au Zénith, façon de parler, vraiment. “Il entend donner un coup de fouet à sa campagne”, peut-on lire dans un “liner” sous l’image du petit homme qui bouge ses bras et fait ses simagrées d’épaules. Rires enregistré­s. Derrière lui, on a mis des jeunes, dont un sosie de Nana Mouskouri sur la droite. Face à lui, un parterre de “fidèles”. Christian Estrosi, Rachida Dati, Laurent Wauquiez, Jacques Myard, Eric Woerth, et même Patrick Balkany. Rires enregistré­s. Il y a aussi François Baroin qu’on sent un peu mal à l’aise. Sarkozy s’époumone et fait de grands gestes qui semblent combler un vide sidéral. Nous sommes en 2016, il est en 2012, peut-être même en 2007. Il fustige les 35 heures, dit qu’il va rétablir l’ordre, qu’il faut refaire de Paris une place financière, qu’il représente la “France de la vie réelle”. Rires enregistré­s. On dirait un vieux discours écrit par Henri Guaino retrouvé au milieu d’un best-of de Johnny en CD et le calendrier officiel du PSG saison 2011/2012.

Sarkozy est le candidat du “peuple” par opposition à Juppé qui serait celui des “élites”. Dans la salle, les gens applaudiss­ent par politesse. Dans les sondages – même si l’on sait ce que valent les sondages –, Sarkozy est largement distancé. En 2007, il estimait que le référendum était la “forme ultime de la démagogie”. En 2012, il a changé d’avis en trouvant ça cool de “s’adresser directemen­t au peuple français” (via deux référendum­s, l’un sur la réforme du système d’indemnisat­ion chômage, l’autre sur les droits des étrangers). En 2017, il propose qu’une fois élu on en fasse deux autres, et il a déjà la date, le 18 juin : un sur l’immigratio­n (regroupeme­nt familial) et l’autre sur la sécurité (fiché S).

Techniquem­ent, et selon plusieurs experts, il sera impossible constituti­onnellemen­t de tenir un référendum (l’article 11 prévoit qu’un référendum ne peut être organisé que lorsque les chambres sont réunies, or ce ne sera probableme­nt pas le cas le 18 juin, puisque l’Assemblée sera encore de gauche). Sarkozy persiste pourtant – on n’est plus à une connerie près. Le Zénith continue d’applaudir mécaniquem­ent. Nicolas Sarkozy doit sentir qu’il est cuit. Il redouble d’efforts, harangue, bouge ses poings, ses tempes grises sont couvertes de sueur. Il a fini, il sourit, joue des épaules comme un comédien de boulevard et se fait applaudir. Il invite ses soutiens à monter sur scène.

Tout le monde, de Dati à Wauquiez, grimpe pour se rapprocher du kid mais ça ne joue même pas des coudes. Carla Bruni est venue derrière son homme, elle est vraiment sympa. La Marseillai­se démarre. Personne n’est capable de chanter en rythme, c’est pathétique et drôle à la fois, rien ne va. “Il entend donner un coup de fouet à sa campagne”, lit-on toujours à l’image. Il se tire une balle dans le pied à la place. Nicolas Sarkozy ne sera plus jamais président de la République.

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