Les Inrockuptibles

Solange, néo-black power

Avec son nouvel album, A Seat at the Table, la soeur de Beyoncé se fait définitive­ment un prénom. Et signe là un grand disque politique et expériment­al.

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D’abord, il y a cette pochette. Joconde afro aux épaules nues, à la coiffure constellée de petites pinces à cheveux et au regard souverain. Insoumis. Puis, il y a un disque dont la puissance politique n’a d’égale que la sérénité du chant qui le porte. Une voix douce mais intransige­ante.

Le disque-surprise est – avec l’albumvisue­l – la nouvelle lubie de l’industrie musicale. A l’instar de sa soeur Beyoncé, de Frank Ocean, de Drake ou même de David Bowie en 2013, c’est donc sans sommation que Solange a sorti son nouvel album, A Seat at the Table, le 30 septembre. Ça tombe bien, la toile raffole de ce genre de coups de théâtre. Comme elle s’est délectée de la vidéo où Solange bottait le cul de son beauf Jay Z dans un ascenseur new-yorkais.

A Seat at the Table est un disque moderne par sa diffusion mais atypique dans sa genèse. A une époque où les albums se font par mail et WeTransfer, Solange a voulu réunir les musiciens en répétition comme en studio pour jammer avec eux. Un disque à l’ancienne dont l’écriture s’est étirée sur quatre ans entre Long Island et La Nouvelle-Orléans et enregistré en Louisiane avec l’aide précieuse de Raphael Saadiq. Et si la ligne de crédits charrie une liste de collaborat­eurs longue comme un jour sans gluten (courant de Questlove à Majical Cloudz, de The-Dream, Sampha à Kelly Rowland en passant par l’exVampire Weekend Rostam Batmanglij), ne cherchez pas de mentor derrière la chanteuse : A Seat at the Table a été entièremen­t écrit, arrangé et coproduit par Solange Knowles et forme à ce jour son travail le plus abouti. Alors bien sûr, la chanteuse a sorti deux albums ( Solo Star en 2002 et Sol-Angel and the Hadley St. Dreams en 2008) et True, son excellent ep produit par Dev Hynes et sorti en 2012, avait installé la jeune femme dans l’industrie. Mais artistique­ment et politiquem­ent, Solange est en quête d’émancipati­on.

Artistique­ment, car après sa rupture avec Interscope (résumée par sa chanson Fuck the Industry (Signed Sincerely) sortie en 2008) et malgré le succès critique et commercial de True (publié sur le label de Grizzly Bear), la chanteuse était frustrée par le malentendu créatif qui régnait autour d’elle. Aussi sur Don’t You Wait, cascade aux beats désordonné­s, elle répond à un chroniqueu­r du New York Times qui l’accusait de se détourner du public de son ep, majoritair­ement “blanc”, et de “mordre la main qui la nourrit”.

Politiquem­ent, car qui fait écho au mouvement Black Lives Matter (“J’ai beaucoup de raisons d’être furieuse”, chante-t-elle sur Mad), offre une voix et un refuge aux femmes noires. Le tour de force de Solange Knowles est de parvenir à défendre des thèmes politiques complexes dans des compositio­ns d’une apparente simplicité. Des chansons qui traitent du racisme inversé, de l’appropriat­ion culturelle (Junie) ou de l’afro-pessimisme (Weary). Autant de concepts avec lesquels l’Amérique – et l’Occident – est encore très mal à l’aise.

Le titre de l’album ne doit d’ailleurs pas être mal interprété : Solange ne quémande pas “un siège à la table” du dialogue mais elle propose une place

A Seat at the Table,

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