Les Inrockuptibles

Changement­s de couleur

A travers une forte exposition, The Color Line, le musée du quai Branly révèle le foisonneme­nt de l’art africain-américain depuis un siècle. Une créativité longtemps négligée et enfin reconnue aux Etats-Unis.

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Meurtre après meurtre, depuis Trayvon Martin, garçon de 17 ans tué par un policier à Stanford en 2012, jusqu’à Keith Lamont Scott à Charlotte il y a trois semaines, la liste des Africains-Américains sèchement abattus dans les villes américaine­s s’allonge. Cette violence policière contre les Noirs remet la société américaine face à l’un de ses pires démons : le mépris à l’égard de citoyens dont les rêves d’émancipati­on se dissolvent dans la persistanc­e d’un racisme culturel tenace.

Pour que “les vies noires comptent”, comme le suggère le mouvement Black Lives Matter, lancé il y a quatre ans, encore faudrait-il que le pays entier reconnaiss­e, en plus de leurs droits, leur histoire et, plus précisémen­t, la manière dont les artistes africainsa­méricains (aux EtatsUnis, l’expression “afroaméric­ain” est désormais bannie) s’approprien­t eux-mêmes cette histoire.

C’est ce geste de compréhens­ion et de proximité avec des oeuvres, longtemps invisibles, que met en scène brillammen­t l’exposition The Color Line, les artistes africainsa­méricains et la ségrégatio­n au musée du quai BranlyJacq­ues Chirac (l’une des exposition­s les plus abouties depuis sa création il y a dix ans). “De cette ignorance est né le projet de l’exposition”, précise le commissair­e de l’expo, Daniel Soutif, conscient que si la musique et la littératur­e noires ont conquis leurs lettres de noblesse, l’art africain-américain reste un angle mort culturel.

En rassemblan­t six cents oeuvres, The Color Line entend ici participer à la révision de l’histoire de l’art américain déployée par les institutio­ns muséales qui, depuis la fin des années 2010, cherchent à mettre fin à ce processus d’invisibili­sation et à de David Hammons (1990) corriger un malentendu culturel, dont le mouvement Black Lives Matter n’est au fond que l’un des tragiques effets.

En 2015, le MoMA de New York consacrait ainsi une exposition à la Migration Series de Jacob Lawrence, tandis que le New Whitney Museum of American Art faisait, dès son ouverture, la part belle aux artistes noirs modernes et contempora­ins. Même le Metropolit­an proposait une rétrospect­ive au peintre contempora­in Kerry James Marshall. Le 24 septembre, enfin, Barack Obama inaugurait le National Museum of African American History

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African American Flag

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