“tout, dans le film, a été pensé, rien n’est le fruit du hasard. Si, il y a quelque chose : moi. Je vis”

Vous avez travaillé votre voix pour le film ? Sans prendre l’accent belge, vous avez une voix différente…

Depuis que je fais du cinéma, mon plus grand chantier est de parvenir à faire entendre ce que je dis. Dans la vie, je bouffe les mots. Sur le tournage de L’Apollonide – Souvenirs de la maison close, le même ingénieur du son, Jean-Pierre Duret, ne cessait de crier qu’il ne comprenait rien à ce que je disais. Alors j’avais tendance à ralentir mon débit. Et puis j’ai travaillé. Particulièrement là, parce que la relation entre le médecin et le patient est asymétrique. Le patient vient avec ses défauts, ses faiblesses, son corps, son enfance. Il est tout nu, au sens propre comme au sens figuré. Le médecin doit y faire très attention parce qu’il est habillé, lui. De ce fait, se rendre compréhensible était très important pour le rôle. Et puis les Dardenne ne voulaient évidemment pas que j’aie un accent parisien.

C’est intéressant, cette histoire d’accent, parce qu’il semble que c’est une question qui travaille beaucoup plus les acteurs américains que les français…

Les acteurs américains ressemblent toujours à des surhommes, on dirait qu’ils sont parfaits. Ce n’est pas un hasard s’ils tournent des films de superhéros. Je ne crois pas que nous ne le fassions pas en France pour des questions seulement budgétaires. C’est aussi une mentalité, une culture, des obsessions. Nous, on parle des difficultés à communiquer. Pour les Américains, le problème n’est pas le même. Quand A parle à B, ils ont désormais tous les deux la même information. Alors que nous, quand A dit quelque chose, B galère à comprendre ce que dit A (rires). S’en suit une sorte d’incompréhension qui ramène les personnages à leur solitude. On fait moins de morale. On est davantage dans le doute. Comme Jenny Davin qui ne sait pas très bien qui elle est. C’est un des enjeux du film : sa déstabilisation.