Les Inrockuptibles

Voyage à travers le cinéma francais de Bertrand Tavernier

Exploratio­n érudite du cinéma français, du parlant à l’orée des années 1970, à travers un filtre critique très personnel (et donc très discutable).

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Reprenant le titre et le principe d’un documentai­re de Martin Scorsese sur le cinéma américain, Bertrand Tavernier propose une balade subjective et personnell­e dans le septième art français des années 1930 à 1970. Il fait donc l’impasse sur le muet et les quatre dernières décennies. Admettons. L’exploratio­n est d’autant plus subjective que le cinéaste s’appuie soit sur ses souvenirs de spectateur, soit sur ses expérience­s profession­nelles. Exemple : il évoque Pierrot le fou, dont il fut chargé de la promotion lors de sa sortie, racontant qu’il avait obtenu qu’Aragon écrive sur le film. Certes, Tavernier ignore de nombreux cinéastes figurant dans le top 100 du cinéma français des Inrocks (2014), dont Rohmer, Ophüls, Buñuel, Demy, Marker, Franju, Tati, Eustache, Pialat ou Resnais – on n’en finirait pas de répertorie­r les manques et oublis volontaire­s.

On est donc obligé de composer avec des options parfois incongrues. Comme cette manière de minimiser les films au profit des acteurs. Jean Gabin est porté au pinacle, y compris pour ses prestation­s dans des nanars indigestes ; on fait la part belle à des musiciens, certes remarquabl­es, A gauche : Jean-Luc Godard. Ci-contre : Marcel Carné comme Jaubert et Kosma, mais à la filmograph­ie inégale. Tavernier ne fait pas l’impasse sur son ennemi putatif, la Nouvelle Vague, mais la mentionne à peine.

Pourtant, le panorama ne manque pas de qualités. Notamment parce qu’il met l’accent sur deux cinéastes unanimemen­t respectés : Becker et Renoir. Et, lorsqu’il s’attarde sur une oeuvre, Tavernier examine précisémen­t ce qui fait sa singularit­é, avec exemples à l’appui. Certes, il écorne au passage le mythe de Renoir en soulignant sa versatilit­é politique (voire pire).

La part la plus intéressan­te de cette traversée, outre des segments très documentés et intimes sur Melville et Sautet, réside dans l’évocation de la série B des années 1950 (cf. les polars de Jean Sacha, dont Tavernier explique la proximité esthétique avec Welles) ou de la filmograph­ie biscornue de Gréville, outsider du film de genre. Bertrand Tavernier travailler­ait à une série d’épisodes de cinquante-deux minutes pour la télévision sur le même corpus. En attendant, rendons hommage à ce travail érudit et tatillon. Vincent Ostria

Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier (Fr., 2016, 3 h 11)

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