Présent du subjectif
En inscrivant son sixième album dans un “présent” vital et vibrant, Vincent Delerm ensevelit le chanteur taquin d’autrefois sous une avalanche de cordes bouleversantes. Et fait grimper la chanson française au sommet.
Vincent Delerm l’affirme, il n’a pas écrit les textes de son sixième album en ayant en tête les événements tragiques de la France de 2015. Lui qui intitula jadis son DVD live Un soir boulevard Voltaire n’a pas pensé au Bataclan en écrivant Je ne veux pas mourir ce soir, pas plus que l’anaphore en “Nous sommes” du titre A présent ne fait écho au “Je suis” du mois de janvier. Ça n’a rien à voir et pourtant, il le reconnaît volontiers, ça a tout à voir : “Rien sur l’album n’était a priori en résonance avec l’actualité, mais une fois le disque terminé je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose qui avait filtré. Peut-être qu’inconsciemment ça a concouru au fait qu’il n’y ait pas de chansons un peu gag, pas de ricanement sur l’album.”
C’est en effet une autre forme de légèreté qui prévaut tout au long des onze plages bouleversantes d’A présent. La légèreté d’après l’orage, le calme d’après le chaos, où des cordes somptueuses balaient les intros comme des ciels de traîne, avant que la petite musique intime de Delerm ne se mette en place. Ici, elle est gorgée d’une force vitale qui pulse autant à travers les textes ( La Vie devant soi, en incipit majestueux) qu’au détour de musiques qui ne surprendront que les obtus, ceux qui n’ont rien suivi du parcours du chanteur.
Delerm a ainsi entamé depuis son précédent album, Les Amants parallèles, un partenariat fertile avec la paire de réalisateurs Clément Ducol et Maxime Le Guil, chargés de stimuler son travail au moyen de dispositifs de formes qui en modulent forcément le fond. Après les pianos préparés des Amants, option radicale un rien austère qui forçait Delerm à une écriture super-8, place à un alliage de cordes, cuivres et programmations qui “hollywoodisent” subtilement l’ambiance,