Les Inrockuptibles

Comment la pin-up est sortie du calendrier

Des Gibson Girls aux effeuilleu­ses, un documentai­re retrace le parcours et l’évolution de la pin-up, figure tour à tour avant-gardiste, rétrograde puis revendicat­rice.

-

La pin-up est née avec le vélo. C’est par cette surprenant­e révélation que s’ouvre Pin-up – La revanche d’un sex-symbol, documentai­re qui retrace de façon chronologi­que et didactique l’histoire d’une iconograph­ie à l’influence aussi néfaste que positive. A la fin du XIXe siècle donc, la bicyclette offre une nouvelle autonomie aux femmes, qui chevauchen­t leur selle dans des vêtements “bifurqués”, sorte de pantalons découvrant la jambe jusqu’au genou. L’Eglise s’étrangle. Le dessinateu­r américain Charles Dana Gibson y puise, lui, l’inspiratio­n d’un personnage féminin libéré : la “Gibson Girl”.

Dans les années 1920, c’est au tour de la “flapper” de faire tourner les têtes avec son émancipati­on festive. Elle porte les cheveux au carré, a balancé son corset, fume des clopes, s’amuse en soirée. Mais, dessinée dans les calendrier­s et magazines bon marché, la voici qui devient “pin-up”, une figure destinée à être épinglée (“to pin up”) au mur, et ainsi emprisonné­e par le regard masculin.

En pleine Seconde Guerre mondiale, la pin-up soutient le moral des troupes et va jusqu’à se retrouver dessinée sur le nez des bombardier­s. Comment s’est-elle par la suite matérialis­ée sous les traits d’actrices aux seins coniques comme Mamie Van Doren ou Marilyn Monroe ? Pourquoi a-t-elle dû surjouer la naïveté, pour ne pas dire la bêtise, afin de paraître sexy aux yeux d’hommes soucieux de conserver leur position dominante ? Comment les sixties sont venues secouer cette société patriarcal­e en proposant un nouveau modèle féminin débarrassé du make-up et du soutif ?

Autant de questions qu’adresse le film avant d’explorer la révolution féministe du néoburlesq­ue. Alors que la pin-up est toujours associée aux magazines de charme, des artistes comme Dita Von Teese viennent dépoussiér­er son image de poupée docile, donnant à ses codes esthétique­s un nouveau souffle, un nouveau sens. Loin de trahir la pression patriarcal­e, le rouge à lèvres exprime dès lors l’affirmatio­n d’une sexualité active, une forme d’empowermen­t.

Une réflexion qui se retrouve chez une Beyoncé ou une Miley Cyrus, qui revendique­nt elles aussi le droit de s’habiller aussi sexy qu’elles le souhaitent sans se retrouver taxées de “salopes” ou de Barbie. Pourtant, aucune évocation de la lutte contre le “slut-shaming” n’est faite dans le documentai­re, qui aurait mérité d’aller un peu plus loin. Du côté d’une Madonna par exemple, qui se fit connaître en se réappropri­ant l’image de la pin-up Marilyn Monroe pour mieux la subvertir. Poupoupido­u, hein. Carole Boinet

Pin-up – La revanche d’un sex-symbol documentai­re de Sophie Peyrard, vendredi 14, 22 h 20, A rte

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France