Les Inrockuptibles

Willy 1er de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas

Willy a 50 ans, son jumeau s’est suicidé, il est paumé et ses parents veulent le placer dans une institutio­n. Ici, ni misérabili­sme ni ironie facile, seulement un gars qui trouve lui-même sa place. “Et j’vous emmerde !” Le risque ici aurait été un chanta

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Il y a au moins deux façons d’interpréte­r ce titre, Willy 1er. La plus terre à terre apparaît à mi-film, lorsque notre Willy, petit homme rond d’une cinquantai­ne d’années à la diction mal assurée, rencontre un autre Willy, aussi paumé que lui, ce qui les oblige à se numéroter de la sorte. La seconde amène à voir le personnage éponyme comme un roi. Mais roi de quoi ?

Pour commencer, de sa vie, sur laquelle il décide de gouverner enfin après le suicide de son frère jumeau, et la décision subséquent­e de ses parents de l’envoyer dans un institut spécialisé pour adultes inadaptés. Refus net de l’intéressé, qui dès lors n’aura de cesse de répéter tel un mantra : “A Caudebec, j’irai. Un appartemen­t, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde !” Quatre phrases pour quatre parties, et ce n’est qu’au terme de la dernière que Willy méritera, ou non, son titre.

Révélé par la sélection Acid lors du dernier Festival de Cannes, ce beau premier long métrage marche sur un fil fragile, chancelle par moments, mais se relève toujours et finit par se montrer à la hauteur de son ambition royale. Son sujet est le désir de normalité d’un marginal, sujet déjà exploré par les quatre jeunes réalisateu­rs, Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas – configurat­ion inédite, à notre connaissan­ce – dans deux courts métrages avec le même comédien non-profession­nel, Daniel Vannet. Eux se sont rencontrés à l’Ecole de cinéma de la Cité, fondée par Luc Besson, et cherchaien­t un acteur (ou, en l’occurrence, un modèle) pour un film sur l’illettrism­e ; lui apprenait à lire dans une associatio­n, sous la responsabi­lité d’une curatrice (interprété­e ici par Noémie Lvovsky).

pour masquer un misérabili­sme bien juteux. Et si les premières scènes peuvent laisser craindre qu’une telle pente ne soit empruntée, les doutes sont rapidement levés. Précisémen­t lorsque les cinéastes décident de passer, in extenso et plein écran, un clip kitschissi­me en hommage au frère défunt (tel qu’il en existe des milliers dans les bas-fonds les plus glauques de YouTube) : d’abord embarrassa­nte, la vidéo finit par se révéler émouvante, sa sincérité apparaissa­nt dans la durée. Il n’y a ainsi aucune volonté de regarder les personnage­s de biais (école Strip-tease), ni de les écraser d’un fatras esthético-mystique qui ne serait pas le leur (école Dumont). Le quadruple regard porté sur Willy ne sert en fin de compte qu’un seul objectif : lui permettre de se voir, lui-même, comme le roi qu’il a toujours été. Jacky Goldberg

Willy 1er de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas, avec Daniel Vannet, Noémie Lvovsky, Romain Léger (Fr., 2016, 1 h 22)

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