Les Inrockuptibles

Cher Bruno Retailleau

- Par Christophe Conte

En bon cavalier, ainsi repéré paraît-il à l’âge de 16 ans par le maquignon vendéen Philippe de Villiers, tu avais misé sur le bon cheval. Longtemps guignol en chef du parc d’attraction du Puy du Fou, intègre catholique à la ferveur proche de l’orgasme tantrique, rabatteur opportun de dames patronness­es homophobes siglées Manif pour tous vers la paroisse du châtelain sarthois, tout était prêt pour faire de toi l’hommeclé du futur quinquenna­t de la droite vengeresse. Je ne parle même pas de cette allure effilée d’inspecteur des finances, économe en séduction mais souriant et courtois, pour cela idéal porte-parole d’un candidat qui avait fait de la probité et d’une certaine rigidité morale ses atouts les plus saillants. Bref, Nobru, tu faisais autant rêver qu’un rapport de la Cour des comptes. Après tout, il n’était pas dans tes attributio­ns de mettre le feu au dance-floor lors des meetings – il y a déjà Gérard Larcher et Raffarin pour ça – mais pour vendre un programme écrit avec du sang et des larmes par un croque-mort. Tu faisais le job.

De toute façon, le match était plié d’avance, aucun effort à déployer, Sourcils filait tout droit vers l’Elysée et toi tu n’avais qu’à épousseter le tapis rouge. Et puis patatras ! Voilà que Penelope – la Penelope si effacée et docile que tu avais à peine remarquée, lors des réunions de travail avec François, cette collaborat­rice surbookée et pourtant peu expansive – allait contrarier l’histoire déjà écrite. Comme on dit en patois chouan, “la cabane est su le chaïe”, ce qui signifie qu’avec ses émoluments troubles possibleme­nt rackettés sur les fonds publics, Péné menaçait de faire s’écrouler la baraque sur l’épagneul. Sans parler des enfants, tous ces glandeurs à mèche et fausses rosières, sponsorisé­s eux aussi par nos deniers, à qui tu donnais pourtant le bon Dieu sans confession.

“Face de souline à bottes à canule”, t’a-t-on entendu hurler, toujours en patois villiérist­e, au soir des révélation­s du Canard enchaîné. “J’avais misé sur la famille cul-depoule et pull sur les épaules, je me retrouve à devoir défendre une bande de parvenus monégasque­s. Avec Valérie Boyer, on en aurait chialé sur nos missels en peau de cul de révolution­naires, sa mère la pute.” Nan, en vérité, tu as doctement déclaré devant l’autre porte-parole de Fillon, Ruth Elkrief : “On ne va pas laisser la campagne au rythme des révélation­s mensongère­s du Canard enchaîné. Je demande aux journalist­es d’arrêter.”

Ah ben oui, c’est con, personne n’y avait pensé. Laissons faire Le Figaro, Valeurs actuelles, BFMTV et La Semaine de Suzette, les autres fermez vos clapets, clouez vos becs avides d’informatio­ns non validées par nos services, bref : faisez-nous pas chier la bite ! Dans ton combat acharné contre le mariage homo, Nono, tu signas il n’y a pas si longtemps une tribune dans Valeurs actuelles où tu fustigeais “la République des désirs”, optant entre les lignes en faveur du bromure pour tous et de la procréatio­n missionnai­re de papa dans maman. Sois rassuré, le désir pour ton candidat républicai­n s’est évaporé avec les feuilles de salaire de Penelope.

Je t’embrasse pas, c’est interdit par le curé.

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