Les Inrockuptibles

La gravité du moment

- Pierre Siankowski

“Je me rends compte que c’est le nom d’Hamon qui sera associé à l’échec historique de la gauche si Marine Le Pen remporte la présidenti­elle. On oubliera ce qui s’est passé avant, le 21 Avril, les défaites antérieure­s. C’est le nom de mon grand-père, de mon père, de mes enfants, qui sera synonyme de ce naufrage historique. Je suis parfaiteme­nt lucide sur la gravité du moment.” Ainsi parle Benoît Hamon dans l’interview-fleuve qu’il a accordée aux Inrocks, réalisée par Justine Triet, Aurélien Bellanger et Miossec (lire p. 10). La gravité du moment, et ça n’est pas un euphémisme.

Le viol de Théo par des policiers et les violences qui s’ensuivent, Fillon qui poursuit sa campagne en pleins soupçons, Macron qui fait de la démagogie un programme et Marine Le Pen, plus répugnante que jamais, qui frotte ses grosses mains. Le moment est grave et il est sans aucun doute historique. Il est historique pour nous, mais il l’est encore plus pour deux hommes : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Deux hommes dont les conviction­s sont au final assez proches (VIe République, planificat­ion écologique…) et qui ne pourront pas expliquer, plus tard, que c’est pour une question d’ego qu’ils ne sont pas parvenus à s’entendre (Hamon, dans ce qu’il livre aux Inrocks, en est visiblemen­t conscient).

On sait à quel point celui de Jean-Luc Mélenchon est énorme, mais on sait aussi à quel point l’homme est intelligen­t. Qu’il poursuive sa campagne, tête baissée, sans même jeter un coup d’oeil en direction de Benoît Hamon, relèverait plus de la bêtise que de l’orgueil. Ceux qui marquent l’Histoire sont ceux qui savent tendre la main, jamais ceux qui parlent vite et fort. On sait peu de choses, on ne vit pas le nez dans les sondages, mais on sait aujourd’hui que les candidatur­es séparées d’Hamon et de Mélenchon ont très peu de chance d’aboutir. Ils le savent aussi très certaineme­nt. On sait aussi à quel point Benoît Hamon tient au PS, et à quel point Mélenchon veut son explosion : il n’y a aucun doute que le PS ne survivra pas à cette élection, alors autant prendre de l’avance.

Des voix doivent aujourd’hui s’élever pour demander à ces deux-là de prendre leurs responsabi­lités pour fournir une alternativ­e de gauche et pas un triste remake de La Chèvre. Il n’est pas question de voir Marine Le Pen prendre le pouvoir en mai prochain. Et il serait ridicule de voir François Fillon ou Emmanuel Macron aller au bout de leur plaisanter­ie. La gauche existe toujours, Hamon et Mélenchon doivent lui donner une chance de l’emporter. Les numéros de téléphone de l’un et de l’autre sont disponible­s à la rédaction. Il y a urgence.

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le11 f évrier à Bobigny, en marge de la manifestat­ion de soutien à Théo, victime de la violence policière

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