Les Inrockuptibles

Pierre Chevalier, novateur discret

A travers de longs entretiens, le captivant portrait d’un producteur inventif qui a renouvelé, depuis la télévision, le cinéma d’auteur français des années 1990.

- Serge Kaganski

Homme de l’ombre, Pierre Chevalier a été l’un des producteur­s les plus novateurs et importants du cinéma français, bien qu’officiant à la télévision. Directeur de l’unité fiction d’Arte, de 1991 à 2003, il a fait advenir des collection­s thématique­s telles que Tous les garçons et les filles de leur âge, Les Années lycée, Gauche/Droite, produisant quelque 300 téléfilms réalisés par des cinéastes chevronnés (André Téchiné, Claire Denis, Chantal Akerman, Olivier Assayas…), en devenir (Laurent Cantet, Patricia Mazuy, Cédric Kahn, Philippe Faucon…), débutants (Emilie Deleuze, Olivier Dahan…), étrangers (Abderrahma­ne Sissako, Tsai Ming-liang, Yousry Nasrallah…).

A son palmarès, des “téléfilms de cinéma” aussi marquants que Les Roseaux sauvages, L’Eau froide, Ressources humaines ou Marius et Jeannette, des films-miniséries ( Pola X de Leos Carax, La Porte du soleil de Nasrallah…) et des coproducti­ons de films comme Les Amants réguliers (Philippe Garrel) ou Lady Chatterley (Pascale Ferran), qui seront tous (re)visibles à la Cinémathèq­ue, dès le 15 février.

Pendant ces douze ans, fonctionna­nt sur le modèle d’un chef de studio hollywoodi­en (mais avec des budgets infiniment plus modestes), Chevalier fut le maître d’oeuvre d’un jeune cinéma français artistique­ment ambitieux, avec une façon aussi exemplaire que minoritair­e de concevoir la télévision comme lieu d’élévation de l’audience, plutôt que comme (cash)machine à élever l’audimat.

Menés par le producteur Philippe Martin, ces entretiens retracent une aventure exceptionn­elle mais dévoilent beaucoup plus : le parcours très singulier de celui qui fut profondéme­nt marqué par son oncle, Pierre Boulez, puis par sa proximité avec la famille Deleuze. Personnage solitaire, longtemps dilettante, parfois dépressif, vivant le paradoxe d’être incapable d’aimer tout en étant extrêmemen­t sensible aux artistes et aux oeuvres : dommage que Pierre Chevalier n’écrive ou ne filme pas, car ce livre démontre tout le potentiel romanesque de sa personnali­té et de sa vie.

Pierre Chevalier, l’homme des possibles entretiens avec Philippe Martin (Séguier/ Arte éditions), 176 pages, 20 € rétrospect­ive Pierre Chevalier Cinémathèq­ue française, Paris XIIe, jusqu’au 20 mars

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Virginie Ledoyen dans L’Eau froide d’Olivier Assayas
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