Group Doueh & Cheveu
Dakhla Sahara Session Born Bad Loin de tout exotisme, les Bordelais explosifs et les Africains électrisants fusionnent leurs turbulences.
Souvent, les (nombreux) échanges musicaux Nord-Sud se déroulent sous les heureux auspices du dialogue attentif, de la bienveillance, du sympa et parfois même d’un certain humanisme sur lequel on peut facilement coller l’étiquette “world music”. Mais quand l’inqualifiable trio Cheveu débarque à Dakhla, cité perdue du Sahara occidental, pour enregistrer avec les locaux Group Doueh, c’est une autre affaire.
Cheveu fut d’abord un groupe bordelais, voire bordélique, vaguement estampillé garage ou post-punk, avant d’amorcer son grand virage plus pop et propre, en 2014, avec l’album Bum. Un virage, ou plutôt une déviance, car si Cheveu suit une voie, c’est toujours comme cheveu sur la soupe, dans le maquis obscur du bizarre et de l’hallucinogène, loin de toute facilité mais du bon côté du rock’n’roll au sens large.
Doueh est le groupe du guitariste Baamir Selmou propulsé sur la scène internationale, depuis une dizaine d’années, grâce aux disques qu’il a enregistrés pour le très branché label américain Sublime Frequencies. Au pays, Doueh est un notable respecté qui joue pour la communauté, dans les mariages et les fêtes en tout genre. Sa musique vient du répertoire traditionnel hassania (qu’on trouve aussi un peu plus au sud, en Mauritanie), mais délivrée dans un chaos psychédélique, via l’électricité des guitares et des claviers.
Il y a un an, Cheveu débarque donc à Dakhla, dans ce bout du monde improbable et surchauffé où le désert se jette dans l’océan Atlantique, pour enregistrer un disque en une dizaine de jours. Cheveu et Doueh ne vont pas faire des châteaux de sable sur la plage. Leur rencontre sonne comme un défi, presque un affrontement. D’un côté, l’agressivité ludique et l’anxiété naturelle de Cheveu. De l’autre, les rythmes alambiqués, les mélodies tordues et les voix surpuissantes des chanteuses de Group Doueh.
Leur terrain d’entente est une zone illicite d’inconfort, voire de perdition. La sauce prend, genre harissa qui arrache la gueule. Le chanteur de Cheveu blatère comme un dromadaire récalcitrant, la musique tourne et s’élève dans des volutes lourdes, revêches et néanmoins enivrantes. L’urgence et l’énergie délivrées par ce disque sont celles du meilleur rock’n’roll, celui sale et méchant dont Group Doueh et Cheveu fantasment une nouvelle forme, moins exotique que toxique.
concerts le 11 mars à Metz, le 19 mai à Marseille