À Dieu ne plaise
Arnaud Meunier poursuit son dialogue avec l’auteur italien Stefano Massini. Après les désordres économiques, ils abordent avec Je crois en un seul dieu le conflit israélo-palestinien.
Ce sont trois voix finissant par n’en faire qu’une que porte seule en scène l’actrice Rachida Brakni. Trois voix de femmes racontant le même parcours de trois points de vue différents, du quotidien au chaos. Ainsi, on entend Eden Golan, professeure d’histoire juive faisant partie des milieux de la gauche israélienne ; Shirin Akhras, palestinienne et étudiante à l’université de Gaza cherchant à devenir une martyre du Hamas ; et Mina Wilkinson, militaire américaine, membre des troupes qui prêtent main forte à l’armée israélienne dans les opérations antiterroristes, parler de leur quotidien, préoccupations et trajets. Chacune exprime dans son intimité et ses convictions une facette de l’Etat d’Israël. Ce n’est qu’un récit déployé sur trois identités mais qui est presque totalement factuel, descriptif jusqu’à l’obsession pour éviter de prendre position – il n’y a pas de vie meilleure qu’une autre, il n’y a pas de point de vue qui ne puisse pas être entendu.
L’auteur Stefano Massini a souhaité que ses trois personnages ne soient joués que par une seule comédienne, et c’est à Rachida Brakni que le metteur en scène Arnaud Meunier a confié cette subtile trame textuelle où l’on passe d’une vie à l’autre presque sans s’en rendre compte. L’actrice excelle dans ces variations, jouant de la distance et des émotions avec art et ravissement, tout en tenue, scène après scène, tableau après tableau, remontant le compte à rebours de trois vies par des impressions et anecdotes, pour s’achever dans le même attentat, un soir dans un restaurant.
Aussi subtile et sobre que le jeu de l’actrice et la finesse du texte, la scénographie de Nicolas Marie invente un non-lieu à la croisée du bunker, de la rue et de la chambre, intime et public, secret et dangereux. La pièce est parfaitement éclairée, tout en dégradé de gris et de verts ; on a parfois l’impression de traverser une galerie de tableaux d’Edward Hopper. Hervé Pons
Je crois en un seul dieu de Stefano Massini, mise en scène Arnaud Meunier, avec Rachida Brakni, du 14 mars au 9 avril au Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe