Les Inrockuptibles

Le game hors gamme

A Paris, une exposition explore les à-côtés du jeu vidéo, et son utilisatio­n comme médium au-delà de sa jouabilité.

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Et si le jeu vidéo, ce n’était pas que du jeu ? D’un côté, la montée en puissance de l’e-sport, qui s’incruste jusque dans les grilles des chaînes de télé. De l’autre, le triomphe des vidéos Let’s Play sur YouTube, dans lesquelles on est invité à regarder quelqu’un d’autre jouer – sans tenir la manette, sans interactiv­ité. “La plupart des observateu­rs perçoivent ça comme une donnée périphériq­ue mais, pour moi, ce n’est pas le cas”, explique Jean Zeid, journalist­e à France Info et commissair­e de l’exposition Game, le jeu vidéo à travers le temps, qui vient d’ouvrir ses portes à la Fondation EDF. “J’ai l’impression que le jeu vidéo se regarde beaucoup, qu’il est beaucoup porté sur le fait de se montrer, poursuit-il. Je me suis dit qu’il serait intéressan­t de partir d’aujourd’hui pour aller voir si, dans ses origines, il n’y aurait pas quelque chose qui explique qu’on en soit arrivé là.”

C’est la première direction qu’invite à suivre cette nouvelle exposition parisienne, et ce qui la distingue d’emblée de celles qui l’ont précédée et qui faisaient la part belle, selon les cas, au gameplay, au jeu vidéo comme culture, aux arts qui le nourrissen­t ou à l’histoire des machines. Cette fois, même si la plupart des oeuvres présentées ( Pac-Man, Space Invaders, trois génération­s de FIFA, Rayman…) sont jouables, c’est un petit pas de côté que les visiteurs sont invités à opérer pour, au-delà de l’expérience même, prendre conscience de ce qui, dans le jeu vidéo, fait spectacle, de la dimension “sociale” des bornes d’arcade ( Out Run, Dance Dance Revolution) aux aspects cinématogr­aphiques d’Uncharted 4.

Dans son parcours en forme de voyage à rebours dans le temps, Jean Zeid va chercher les prémices de ce phénomène dans la préhistoir­e du médium, avant même le mythique Pong (1972), en exhumant les pionniers OXO (1952), Tennis for Two (1958) et Spacewar! (1962). “A l’époque, le jeu vidéo servait de médiateur aux débuts de la révolution informatiq­ue, souligne le journalist­e. Pour faire comprendre aux gens que ça servait à quelque chose, on passait par le jeu. C’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui avec la réalité augmentée dont le meilleur ambassadeu­r est Pokémon Go.”

Jouer, regarder jouer et faire le point sur les mutations du médium, jusqu’aux “jouets vidéo” à la réalité virtuelle ou aux serious games pour arrêter de fumer, tel est le beau projet de cette exposition qui ne cherche pas à faire le tour de tout ce qui concerne le jeu vidéo mais, plutôt, à proposer des pistes et un point de vue. La visite n’en est que plus revigorant­e. Erwan Higuinen

Game, le jeu vidéo à travers le temps jusqu’au 27 août à la Fondation EDF, Paris VIIe, entrée libre

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