Les Inrockuptibles

Werewolf d’Ashley McKenzie

Minutieuse vue en coupe de la lente déglingue d’un junkie canadien.

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Curieuseme­nt, ça rappelle un documentai­re sur le défilé de junkies venant chercher leur dose de méthadone dans une officine de Vancouver ( East Hastings Pharmacy d’Antoine Bourges). Dans Werewolf mêmes personnage­s hâves, même activité, même regard clinique sur l’addiction, même pays mais plein Est, sur l’île du Cap-Breton. Ici, c’est une fiction et elle ne repose pas sur un dispositif unique. Le “werewolf” du titre, c’est Blaise, jeune héroïnoman­e qui n’est pas un loup-garou mais ressent dans sa chair les ravages du manque qui le rend sauvage. Il vit avec Vanessa, une autre junkie qui comme lui essaie de décrocher. Presque S.D.F., ils font le tour des jardins cossus avec leur tondeuse à gazon poussive et proposent leurs services contre quelques dollars.

Le plus frappant, c’est le travail formel hyper rigoureux : outre le rendu dévitalisé de l’image (“comme si la peau de mes personnage­s était celle de fantômes, même si c’est l’été”, explique la réalisatri­ce), il y a un jeu particulie­r avec le cadre. Beaucoup de gros plans, presque pas de plan d’ensemble. On morcèle le réel et même les corps au diapason du déchiqueta­ge intérieur des personnage­s. En même temps, il y a de la douceur dans le film, sans doute synchrone avec l’impression cotonneuse de l’addiction, soulignée par un synthé tintinnabu­lant.

Très proche et très loin de Requiem for a Dream. La subjectivi­té n’entre pas en ligne de compte ici. Quoique… une (seule) séquence assez belle exprime le point de vue de Blaise qui frôle l’overdose de méthadone (volée à sa copine), où les zigouigoui­s d’un jeu vidéo type Space Invaders explosent en surimpress­ion. Chronique d’une destructio­n lente. Un film cru et nu, et pourtant retenu. Vincent Ostria

Werewolf d’Ashley McKenzie, avec Andrew Gillis, Kyle M. Hamilton, Breagh MacNeil (Fr., Bel., Sui., 2017, 1 h 18)

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