Les Inrockuptibles

fascisme et dialogue

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Créé à Zurich avec les acteurs du Theater Hora, Les 120 Journées de Sodome, inspiré de Sade et Pasolini et mis en scène par Milo Rau, dessine Tles nouveaux contours du fascisme. el Pier Paolo Pasolini mettant en scène la passion du Christ sous forme de tableaux vivants empruntés à la peinture maniériste dans La Ricotta, Milo Rau compose une cène autour d’une longue tablée regorgeant de victuaille­s et, apôtres en leur pays, cernée par les acteurs du Theater Hora.

Cette troupe zurichoise, composée de personnes handicapée­s, que l’on a déjà pu voir auprès de Jérôme Bel, réinterprè­te aujourd’hui une autre passion sous la baguette du metteur en scène suisse, celle d’un des films les plus marquants

de l’histoire du cinéma : Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini. Côté jardin, un petit castelet aux rideaux pourpres et aux stucs dorés ; au centre, une croix dressée surplombée d’un vaste écran ; et côté cour, le banquet.

Mêlant aux acteurs du groupe Hora ceux du Schauspiel­haus de Zurich, Milo Rau construit un dialogue entre deux mondes, rapportant des récits de vies mis en partage et filant la saga pasolinien­ne, s’inspirant du marquis de Sade et convoquant d’autres références cinématogr­aphiques comme La Maman et la Putain. Le monde des handicapés, ses réalités, et le monde des valides, ses fantasmes. Celui de Salò, violent et provocant, exposant le déclin du fascisme dans ses retranchem­ents les plus absolus, et celui d’aujourd’hui, ce ventre encore fécond d’où pourrait resurgir la bête immonde.

Se rejouent ici des scènes qui ont bouleversé, dégoûté et fasciné toute une génération qui a découvert le film en salle : le jeune homme au poing levé assassiné, le triage des culs, la pisse et la merde, les mutilation­s, etc. Au théâtre, la révélation de l’obscène se pare presque d’une certaine douceur, comme inversant la propositio­n de Pasolini pour raconter un monde contempora­in où la violence est contenue et policée et où le déclin est porté par l’obsession de la normalisat­ion. Dio mio, Dio mio, perché mi hai abbandonat­o ? Hervé Pons

Les 120 Journées de Sodome adapté et mis en scène par Milo Rau d’après Sade et Pasolini, dans le cadre de Programme Commun, les 1er et 2 avril à l’Arsenic, Lausanne, Suisse

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