Les Inrockuptibles

de quoi The Blaze est-il le nom ?

Jusqu’à la veille de l’interview, les deux cousins de The Blaze ne savaient pas s’ils parleraien­t un jour à la presse. Porté par une electro cinématogr­aphique et incarné par des clips saisissant­s de réalisme, le groupe français le plus intrigant du moment

- propos recueillis par Azzedine Fall

Vous n’avez sorti que deux clips mais The Blaze passionne déjà au-delà des frontières de la France. La fulgurance de ce succès vous fait-elle flipper ? Guillaume – On essaie de rester concentrés et de ne pas penser à ce que la notion de succès peut engager. Notre kif, c’est d’être en studio, faire du son et réfléchir à des clips. On est super heureux de ce qui nous arrive mais on ne passe pas nos journées à se féliciter. On ne pense surtout pas qu’on a réussi quelque chose.

Jonathan – L’année dernière, le clip de Virile a très bien marché mais on s’est immédiatem­ent mis à taffer sur celui de Territory. Ça nous a quasiment pris six mois de travail avant d’aboutir à quelque chose de concret. On n’a presque pas eu le temps de réfléchir à la réception du projet. Ce qui est certain, c’est que ça a changé quelque chose sur le plan artistique.

Guillaume – Oui, ça nous permet de travailler dans de super conditions. Grâce à Manu (le boss de Savoir Faire et le manager de The Blaze – ndlr), on a pu améliorer plein de choses, nos moyens ne sont plus les mêmes. On pèse énormément nos envies et on les met beaucoup à l’épreuve. Quand l’un de nous a une idée, le but de l’autre, c’est de la défoncer au maximum pour voir si elle survit. Dans un clip, on veut que chaque image ait un sens et qu’aucune seconde ne soit due au hasard.

Jonathan – Au départ, j’avais sollicité Manu pour lui soumettre des idées de clips pour d’autres artistes. On a discuté et il a écouté nos morceaux. Tout s’est fait petit à petit jusqu’à ce que notre collaborat­ion s’officialis­e.

Sans déballer votre bio comme dans une émission de Mireille Dumas, quel a été votre parcours avant de former The Blaze ?

Jonathan – On est cousins et on habite tous les deux Paris depuis une grosse année. Avant de m’installer ici, j’ai eu la chance de pas mal bouger. Je suis né en Côte d’Ivoire, mais j’ai passé la

plus grande partie de mon enfance et de mon adolescenc­e en Normandie. Ma mère est péruvienne donc j’ai aussi vécu au Pérou. C’est là-bas que j’ai passé mon bac et ensuite je suis parti vivre à Bruxelles pour rentrer dans une école de cinéma. Quand on a commencé à bosser sur The Blaze, je faisais pas mal d’allers-retours entre Bruxelles et Dijon.

Guillaume – Moi, j’ai un peu vécu à Montpellie­r mais j’ai passé la plupart de mon temps à Dijon. Avant The Blaze, j’étais déjà dans la musique depuis dix ans, avec un projet solo : Mayd Hubb. Je jouais aussi avec d’autres artistes comme Panda Dub. J’ai commencé à m’intéresser à l’electro il y a deux ou trois ans, quand on a commencé The Blaze. On peut mettre beaucoup d’émotions dans cette musique. Ça nous transporte. Et ça nous permet de trouver des chemins vers des idées de clip.

Jonathan – Mon truc, c’était vraiment le ciné mais l’electro permet d’écrire des histoires et des émotions aussi ambitieuse­s que la musique classique.

“quand l’un a une idée, le but de l’autre est de la défoncer au maximum pour voir si elle survit” Guillaume

Vous avez grandi ensemble ou c’est le groupe qui vous a rapprochés ?

Jonathan – On n’a pas forcément “grandi” ensemble car on a quelque chose comme six ans d’écart je crois. J’ai 28 ans et… t’as quel âge toi déjà ?

Guillaume – J’ai 34 du coup (rires)… On peut dire que j’ai eu le même parcours que Jonathan mais en sens inverse. Je suis musicien, mais j’ai fait un peu de vidéo à une époque. J’ai vraiment repris contact avec l’image grâce à mon cousin. Pour The Blaze, chaque parcours nourrit celui de l’autre.

Jonathan, qu’est-ce qui t’a motivé à aller vers ton cousin pour faire de la musique de manière plus sérieuse ?

Jonathan – A la fin de mon école de cinéma, mon projet de court métrage n’est pas passé et je me suis rattrapé en proposant un clip. Comme je ne connaissai­s pas de musiciens, je suis allé voir Guillaume pour clipper un de ses morceaux. Je trouvais la musique top, mais je lui ai demandé la permission de modifier certains passages pour qu’elle colle mieux à ce que j’avais en tête pour la vidéo. A partir de ce moment, je suis revenu plus souvent pour le voir en concert, et le soir on faisait du son.

Guillaume – Au-delà du gros kif artistique, le côté humain a été super important. Notre entente est quasi parfaite. On se voyait pendant les vacances, mais je traînais plutôt avec le frère de Jonathan qui est un peu plus âgé. Notre relation artistique nous a presque forcés à nous connaître sur le plan humain.

Pourquoi avez-vous choisi d’attendre aussi longtemps avant de communique­r ? Jusqu’à hier, vous envisagiez même de ne jamais donner d’interviews.

Jonathan – Notre manière de nous exprimer existe déjà par la musique et par les vidéos. Je trouvais qu’il n’y avait pas forcément besoin d’en dire plus.

Guillaume – On n’a pas encore sorti beaucoup de choses donc on s’est posé la question de notre légitimité. Et comme le projet est assez jeune, on a aussi la volonté de le préserver au maximum.

Les clips de Virile et Territory sont construits comme deux courts métrages qui peuvent raconter plusieurs histoires. C’était important que la narration repose autant sur l’interpréta­tion du spectateur ?

Jonathan – Virile s’intéresse vraiment à quelque chose de l’instant présent. C’est l’histoire de deux mecs qui fument et qui dansent dans un appart. Si tu racontes ça à un producteur, il te répond “OK, cool” et il passe à autre chose. On a voulu filmer cette simplicité et la rendre magique grâce aux mouvements de caméra et au training des acteurs. Territory est un clip peut-être plus narratif. On avait les moyens de faire quelque chose de plus ambitieux et on a travaillé différemme­nt.

Guillaume – Virile était un huis clos entre deux personnes alors que Territory est beaucoup plus ouvert. On est partis tourner en Algérie et on a eu la chance de bosser sur un casting beaucoup plus large. On essaie de jouer au maximum sur l’émotion et la poésie, donc je pense que les gens qui ont vu les clips ont été touchés à des degrés divers, selon leur vécu.

Jonathan – On puise aussi beaucoup dans nos expérience­s perso. Dans Territory, il y a une séquence où Dali, l’acteur principal, fait le gorille. C’est un truc que faisait mon frère quand on était gamins. On recherche avant tout des mélodies qui racontent des histoires et qui nous dirigent logiquemen­t vers un clip. Mais on ne s’interdit pas de revenir sur les morceaux pour qu’ils collent le plus possible aux images. Pour Territory, on a fait évoluer la musique au moment du montage.

“on ne s’interdit pas de revenir sur les morceaux pour qu’ils collent le plus possible aux images” Jonathan

“il y a plein de séquences qui ont été vécues plus qu’elles n’ont été jouées. On avait plutôt l’impression de filmer un docu qu’un clip” Jonathan, à propos de Territory

On a parfois l’impression d’être en face d’un clip inversé. Comme si la musique arrivait pour justifier les images. Vous n’avez pas peur qu’on regarde The Blaze plus qu’on ne l’écoute ?

Guillaume – On peut tout à fait sortir des titres sans clip. C’est d’ailleurs ce qui va se passer avec l’ep. On accorde autant d’importance à la musique qu’à l’image mais les deux processus de création sont très différents. La musique, c’est très spontané. Pour les clips, il y a plein d’étapes jusqu’au jour J du tournage… avant de repartir dans le montage.

Jonathan – La récompense est moins instantané­e que dans la musique, c’est sûr. Mais je pense qu’il y a un équilibre qui se trouvera quand on aura sorti plusieurs vidéos. Quoi qu’il arrive, un beau clip servira toujours la musique et la réciproque est vraie.

Vous avez parlé de Dali Benssalah, qui est impression­nant dans le clip de Territory. D’où viennent vos acteurs ?

Jonathan – Le clip de Virile a été tourné à Bruxelles. On avait posté une annonce pour un casting. Je connaissai­s déjà Camille car on avait bossé sur un remake d’une scène de L’Esquive pendant mes études de ciné. Le mec est assez charismati­que et très drôle, on l’a directemen­t imaginé dans le rôle du chanteur. Jawad a aussi répondu au casting. Ils sont passés à la maison et on leur a demandé de danser et de kiffer ensemble. Ils étaient déjà potes en fait car ils ont fait la même école de théâtre. Ça a facilité les choses.

Guillaume – Pour Territory, on a eu la chance de bosser avec Philippe Elkoubi, un super directeur de casting qui a travaillé avec Audiard sur Un prophète. C’est lui qui a trouvé Dali. Il vient aussi du théâtre et il n’avait jamais fait de cinéma. Tous les autres figurants ont été castés sur place.

Jonathan – On a pu rester en immersion deux semaines là-bas et on a pris le temps de rencontrer les gens. C’était notre premier clip “pro” mais il y a plein

de séquences qui ont été vécues plus qu’elles n’ont été jouées. Au final, on avait plutôt l’impression de filmer un docu qu’un clip. Pourquoi avez-vous choisi Alger ? Guillaume – C’est une idée de notre producteur. Il s’est posé, il a écouté le son, et il s’est dit qu’il fallait aller à Alger. L’idée a fait son chemin et on a commencé à imaginer le clip.

Jonathan – Ce qui nous intéressai­t, ce n’était pas spécialeme­nt la ville. On voulait surtout raconter l’histoire d’un mec qui rentre chez lui. Tout le monde a un bled, c’est une notion universell­e. Que je retourne au Pérou ou chez notre grand-père dans le sud de la France, j’ai l’impression de rentrer dans mon bled.

Beaucoup de gens font le lien entre votre manière de filmer et celle que l’on retrouve dans les clips de PNL.

Jonathan – Quand j’ai découvert leurs clips, j’ai trouvé ça très nouveau et très original. Perso, je n’écoute pas trop de rap, à part des trucs à l’ancienne, genre NTM ou la Fonky Family.

Guillaume – On ne s’inspire pas directemen­t de PNL. On apprécie leur travail mais on a regardé beaucoup de clips de rap et on est sensibles à cette imagerie en général. Dans le rap, j’écoute peut-être un peu plus de nouveaux trucs que Jonathan. Un petit PNL de temps en temps, ou même des trucs comme Ichon et Bon Gamin. Leurs clips sont super stylés.

Comment se répartit le travail en studio ? Qui chante par exemple ?

Guillaume – Sur l’ep on entend plutôt ma voix, mais sur l’album ce sera du 50/50. Généraleme­nt, on se pose tous les deux devant nos machines et nos claviers, et c’est parti ! Il n’y a aucun processus figé. On s’abreuve de ce qu’on écoute en soirée. Et on regarde beaucoup de films ensemble. Dernièreme­nt, j’ai pris une claque sur Divine, mais on mate aussi des trucs un peu plus chelous comme K-PAX, l’homme qui vient de loin.

Jonathan – Mon dernier choc au cinéma, c’est American Honey d’Andrea Arnold avec Shia LaBeouf. C’est la première fois de ma vie que je sors d’une salle avec un tel sentiment de liberté. La jeunesse est un thème auquel on est sensibles. Amours chiennes d’Iñárritu, c’est le genre de réalisatio­n en caméra portée qui nous parle vraiment. Il y a une énergie de ouf dans ce film ! Sinon, Les Valseuses, ça reste une énorme référence.

Bientôt les premiers concerts… J’imagine que c’est une attente particuliè­re pour un projet qui n’existe que sur internet pour l’instant ?

Guillaume – Quand tu es enfermé en studio, tout est très cérébral. En live, il y a quelque chose de très instinctif, beaucoup plus spontané. J’ai déjà eu la chance de faire des scènes assez importante­s devant 20 000 personnes. La montée d’adrénaline est tellement forte que ça te soigne.

Jonathan – Ah ouais, c’est un style de drogue, quoi ? C’est tout nouveau pour moi. Je vais me pisser dessus au début.

Selon Sparks & Ashes, le dernier morceau de l’ep, il ne reste que des cendres à la fin de l’écoute. Peut-on lire dans The Blaze le désir de tout cramer pour repartir sur de nouvelles bases ?

Guillaume – Il y a un peu de ça. Le feu, c’est aussi la chaleur et l’amour entre les gens. Je pense que c’est ce qu’on essaie d’amener, même si ça peut paraître un peu naïf comme propos. Mais c’est ce genre de sentiments qu’on a envie de mettre en avant. Et on vit certaineme­nt une époque où il est toujours bon de le rappeler.

Jonathan – Le message est super hippie (rires)… Mais on y croit beaucoup. L’amour, la jeunesse et la folie que ces sentiments autorisent sont vraiment la thématique principale de nos clips. Tu n’es pas obligé d’être dans la guimauve quand tu parles d’amour. Il y a plusieurs façons de l’exprimer et c’est ce qu’on essaie de faire avec The Blaze.

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Passé par la boxe thaï et le cours Florent, Dali Benssalah, impression­nant de réalisme dans le clip de Territory
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